Consentement en droit civil français

En droit français des obligations, le consentement est le fait de se prononcer en faveur d'un acte juridique, au sens large, et particulièrement, de toute convention, de tout contrat. Le consentement est en effet l'élément fondamental dégagé par la doctrine de l'autonomie de la volonté : celui qui s'oblige, qui se rend débiteur d'une obligation, doit y avoir préalablement consenti. Le contrat, comme principale source des obligations juridiques, ayant adopté la théorie de l'autonomie de la volonté, est tout particulièrement empreint de cette idée, et reste, dans l'idéal, un instrument juridique consensuel grâce à la place déterminante laissée au consentement.

Même lorsque le contrat est une obligation légale, le consentement est toujours demandé, alors même que l'on pourrait penser que la loi peut se substituer au consentement des parties. Il n'en est rien, et les cas dans lesquels le consentement n'est pas possible sont très rares et motivés pour des raisons d'ordre public.

Le consentement désigne précisément la volonté isolée qui, soit se suffira à elle-même dans le cas de l'acte unilatéral, soit en rencontrera une ou plusieurs autres, pour former la convention. C'est en ce second sens que le code civil retient « le consentement de la partie qui s'oblige » au nombre des quatre conditions essentielles pour la validité d'une convention. Cependant, les auteurs font observer qu'un contrat, fût-il un contrat unilatéral suppose, au minimum, l'accord de deux volontés et non l'assentiment du seul débiteur.

Le code civil français, qui consacre à la question les articles 1128 à 1144, ne définit pas positivement le consentement lui-même. Il se borne à préciser les vices (appelés « vices du consentement ») qui peuvent l'entacher et à consacrer la possibilité de promettre ou de stipuler pour autrui. Il s'agit donc bien, pour les rédacteurs du code, du consentement conçu comme volonté individuelle.

Le consentement à un contrat doit exister d'un point de vue objectif : on distingue ainsi l'offre, ou pollicitation, de l'acceptation. En l'absence d'offre ou d'acceptation, il n'y a pas de rencontre des volontés, et donc pas de contrat.

Le consentement doit aussi être valide. Le consentement à un contrat doit être de façon libre (sans qu'une autre personne ne détermine le consentement) et intègre, pris en connaissance de cause. Dans le cas contraire, il y aura un vice du consentement.

Le régime général du consentement

La capacité juridique

La capacité est l'aptitude à acquérir un droit et à l'exercer. La capacité est le principe, l'incapacité est l'exception.

L'article 1128 du code civil énumère 3 conditions essentielles de la validité du contrat. Il s'agit des conditions de fond.

L'étude de la capacité relève traditionnellement de celle des personnes. Celui qui s'oblige ne doit pas être l'objet d'une incapacité (art. 1145 du c. civ.) :

« Toute personne physique peut contracter, sauf en cas d'incapacité prévue par la loi. »

Les incapacités peuvent être générales ou spéciales : Elles affectent tous les droits mais il existe toujours des exceptions légales ou jurisprudentielles. Pour ce qui est des incapacités spéciales, elles ne concernent qu'un ou plusieurs droits.

Le défaut de capacité sera parfois sanctionné par la nullité du contrat, mais la sanction est parfois écartée ou soumise à des exigences supplémentaires :

Toutefois l'incapable qui aura frauduleusement dissimulé son incapacité à son cocontractant se verrait privé d'action en justice.

L'intention de se lier juridiquement

« Contracter c'est vouloir ». Cette volonté résulte d'une réflexion intérieure, propre à l'auteur qui consent au contrat. Pour qu'un contrat puisse se former valablement, ce consentement doit être « extériorisé » afin qu'il puisse être appréhendé par des tiers. De nombreux contrats se matérialisent par un écrit et à cette occasion le consentement d'une partie prend la forme d'une signature. Mais il peut revêtir d'autres formes, comme un accord oral ou même un simple poignée de main.

L'existence du consentement

La nécessité du consentement à l'existence même du contrat

Personne n'est obligé sans l'avoir voulu, l'engagement contractuel ne peut procéder que d'une volonté réelle et sérieuse ; il faut bien entendu exclure les manifestations de volonté fictives, relevant d'un simple exemple donné, ou d'une plaisanterie. La liberté contractuelle fonde un véritable droit de ne pas contracter : les contrats sont en principe facultatifs, et quand bien même certains seraient obligatoires, ils ne sauraient se former sans volonté : l'automobiliste doit assurer son véhicule, il lui reste le choix de l'assureur, mais il ne sera pas assuré malgré lui.

Le refus de contracter est donc parfois illicite, ou simplement illégitime, en tout cas il n'est pas discrétionnaire :

La nécessité du consentement pour déterminer le contenu du contrat

C'est par leur consentement que les parties déterminent leurs obligations ; il s'agit bien sûr de leur commune intention, et non pas de leur intention demeurée individuelle : c'est l'accord qui importe. En cas de difficulté le juge devra interpréter la convention selon cette commune intention des parties.

Cependant les parties ne détaillent ni ne précisent pas souvent leur volonté, on parle alors de consentement donné en bloc : on imagine mal le passager d'un autobus interpeller le chauffeur pour lui exprimer ses obligations, ni ce dernier préciser les conditions du transport, de la sécurité du passager, etc.

L'article 1194 du code civil prévoit l'hypothèse en indiquant que « les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'usage, la loi, ou l'équité attachent à l'obligation d'après sa nature ». En dehors des règles impératives, il existe nombre de règles dites supplétives dont le rôle est de définir les obligations en l'absence de volonté contraire exprimée; il s'agit alors de volonté implicite, mais de volonté tout de même : les cocontractants décidant de faire selon l'usage. La référence aux contrats nommés facilite encore les choses puisqu'elle renvoie à des régimes juridiques pour l'essentiel préétablis : en désignant la vente, l'un décide de se comporter en vendeur, l'autre en acheteur, mais tout est dit.

Les modes d'expression du consentement

Le principe du consensualisme écarte a priori toute exigence quant aux formes d'expression de la volonté, mais il faut tout de même pouvoir en constater l'existence.

On reconnaît plusieurs formes de manifestations de volonté, plus ou moins pratiques ou sûres :

L'avantage est donc celui de la facilité, mais l'inconvénient celui du défaut de preuve, et parfois aussi celui de l'équivoque : il suffit d'imaginer dans une grande vente d'œuvres d'art aux enchères le geste d'une personne qui en reconnaîtrait une autre au bout de la salle… ou encore le passant qui monterait dans un bus pour n'y demander qu'un renseignement.

Au-delà de ces manifestations positives de la volonté se pose la question traditionnelle du silence : peut-on accorder au silence gardé par une personne la valeur d'une quelconque volonté d'engagement ? La question ne concerne que l'acceptation d'une proposition qui aurait été préalablement exprimée.

La formule est bien connue selon laquelle « qui ne dit mot consent » ; cependant le droit la rejette à cause des dangers qu'elle engendrerait rapidement : on verrait par exemple se développer les envois à domicile d'objets variés, le silence du destinataire concluant la vente, sauf à celui-ci à consacrer ses journées à la réexpédition des colis (la pratique de ces envois est d'ailleurs sanctionnée par le code pénal). Le silence est donc en principe rejeté ; il ne saurait suffire à l'expression d'une acceptation.

Il en est autrement lorsque ce silence est circonstancié : il peut avoir pour cadre des relations d'habitude entre les cocontractants, ou même avoir été prévu par un précédent accord afin que celui-ci soit tacitement reconduit… Ces silences relèvent en réalité des manifestations tacites.

La seule véritable exception au rejet du silence est d'origine jurisprudentielle : le silence vaut acceptation d'une offre lorsqu'elle est faite dans l'intérêt exclusif du destinataire. La solution s'impose dès lors que tout risque est écarté ; on imaginera la proposition de certaines donations, remises de dettes, réductions de prix… On est alors proche des actes unilatéraux, à ceci près que l'offre doit être effectivement parvenue à son destinataire.

En l'absence de consentement le contrat est donc inexistant. L'inexistence est surtout une notion doctrinale, le raisonnement conduisant à distinguer l'absence du contrat du contrat annulable ; en pratique soit il n'y aura aucune apparence de contrat, soit cette apparence ne sera détruite que par une action en annulation. En plus d'exister, le consentement doit être d'une certaine qualité.

Une offre

Article détaillé : Pollicitation.

L'offre est la manifestation unilatérale de volonté, qui une fois extériorisée, est suffisamment ferme et précise pour qu'une fois acceptée, un contrat puisse être formé.

Une acceptation

Article détaillé : Acceptation.

L'acceptation est la manifestation unilatérale de volonté qui répond à une offre, et qui forme définitivement le contrat entre les parties.

La localisation du consentement dans le temps et l'espace

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L'intégrité du consentement

Le consentement peut exister d'un point de vue objectif sans être valide.

Les parties doivent échanger leurs consentements, et on remarque trois points pour que le consentement soit valable :

Toutefois, le silence peut valoir acceptation dans plusieurs cas :

Les vices du consentement sont une notion du droit des contrats français, qui portent atteinte à une série d'actes variés, qui vont des contrats (de mariage, de travail, commerciaux), au consentement à une relation sexuelle, qui devient ainsi un viol.

Les vices du consentement servent à effectuer un contrôle procédural du contrat, c'est-à-dire que l'accent est mis sur la manière dont a été formé le contrat et non sur la substance du contrat en lui-même (l'objet, et par extension, la cause). Ce contrôle de l'intégrité du consentement, qui doit être donné en toute liberté et de manière éclairée, est rendu essentiel en raison de la primauté accordée en droit français au consensualisme. Le consentement étant l'essence du contrat, il est nécessaire de s'assurer de sa « qualité ». Un vice du consentement entraîne la nullité du contrat, c'est-à-dire son annulation rétroactive (le contrat est supposé ne jamais avoir existé).

Ces vices du consentement sont énumérés par l'article 1130 du code civil français (l'erreur, le dol et la violence), modifié par l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 et, pour la lésion), par l'article 1118, dont le domaine est nettement plus restreint depuis 2016.

Les mesures curatives

Il s'agit des sanctions des trois types de vice affectant l'intégrité du consentement lors de la conclusion du contrat.

L'erreur Article détaillé : Erreur en droit civil français.

C'est une fausse représentation de la réalité, le fait de se tromper. Du point de vue juridique, l'erreur est une fausse représentation de l'objet du contrat. La croyance de cette partie ne correspond pas à la réalité. Pour éviter les annulations systématiques, des conditions sont posées pour obtenir la nullité. La victime de l'erreur s'appelle l'errans.

Les articles 1132, 1133 et 1134 du code civil admettent différentes sortes d'erreurs, qui ne conduisent cependant à la nullité du contrat qu'à la condition de présenter certains caractères.

Il existe trois types d'erreur : l'erreur sur la substance, l'erreur sur la personne et l'erreur-obstacle.

L'erreur sur les qualités essentielles de la prestation

L’article 1133 définit l'erreur sur les qualités essentielles de la prestation. Il dispose, dans son alinéa 1er, que « les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté ». Avant la réforme, ce type d’erreur était déjà connu, simplement on parlait d’erreur sur la substance, ou encore d’erreur sur les qualités substantielles de la prestation. L’expression désormais utilisée est censée être plus claire.

Exemple d'erreur sur les qualités essentielles de la prestation : un acheteur pense acheter un terrain constructible alors que ce terrain ne l’est pas en réalité.

L'erreur sur la personne

Il s’agit d’une erreur sur les qualités essentielles du cocontractant. L’article 1134 dispose que l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne (intuitu personae).

L'erreur-obstacle

Il n’y a pas de texte sur cette erreur obstacle. Il s’agit simplement d’une expression utilisée par la doctrine, pour désigner une situation pour laquelle il n’y a pas un contrat, mais simplement un malentendu entre deux personnes.

Exemple d'erreur-obstacle : un acheteur et un vendeur pensent s'être mis d’accord sur le prix, alors que le vendeur parle en euros et l’acheteur en francs. Ici, les volontés ne se sont pas rencontrées : il y a effectivement malentendu.

Le dol Articles détaillés : Dol en droit civil français et Réticence dolosive.

À la différence de l’erreur qui est spontanée, le dol est une erreur provoquée.

Le dol consiste en des manœuvres illicites du cocontractant qui provoque une erreur, considérée par la jurisprudence comme étant par défaut excusable (3e chbre civ-21 février 2001). Le dol est dès lors non seulement un vice du consentement, mais aussi un délit civil.

Pour être valable, le dol doit provenir de l'autre partie (et non pas d'un tiers), avoir été fait dans l'intention de tromper et avoir déterminé la victime à conclure le contrat. Les manœuvres du cocontractant qui ne viseraient pas la conclusion de l'ensemble du contrat, mais à une clause contractuelle en particulier est appelé dol incident (à l'inverse du dol qui porte sur l'ensemble du contrat, appelé dol principal).

Le domaine du dol a été progressivement étendu par la jurisprudence, notamment en ce qui concerne le critère des manœuvres intentionnelles. En effet, un simple silence peut être considéré comme dolosif, lorsque ce silence vise à dissimuler au cocontractant une information essentielle du contrat.

La réticence dolosive est le silence gardé par l'une des parties sur une information essentielle du contrat, prévu par la jurisprudence (3e chbre civ-15 janvier 1971). La réticence dolosive sera retenue lorsqu'une partie dissimule à l'autre une information essentielle du contrat, que cet autre n'est pas en mesure de connaître.

L'élément matériel L'élément intentionnel La violence Article détaillé : Violence en droit civil français.

La violence est une contrainte physique ou morale exercée sur l'une des parties pour l'amener à contracter. Elle se distingue des autres vices du consentement, en ce qu'elle empêche le consentement d'être libre, alors que les deux autres empêchent le consentement d'être parfaitement éclairé.

La violence ne touche pas à l'intégrité du consentement, mais à sa liberté. En effet, la victime est consciente de conclure un contrat désavantageux, mais elle ne peut pas faire autrement. Le vice du consentement ne consiste pas dans la violence elle-même, mais dans la crainte qu'elle inspire.

Cette violence prend plusieurs aspects :

Les mesures préventives

Pour s'assurer que le consentement sera libre et éclairé, la sanction a été mise en place. Or celle-ci intervient après le mal. C'est pourquoi on a imposé des obligations aux contractants afin de prévenir ce mal.

L'information des contractants

Auparavant il n'existait pas d'obligation générale d'information, mais au vu des inégalités d'accès à l'information, une injustice est née. Ainsi pour régler ce problème ont été mises en place des obligations contractuelles et précontractuelles. Aujourd'hui pèsent une obligation d'information (oblige le contractant à faire part de certains éléments à son cocontractant) et de conseil (oblige le contractant de parler de l'opportunité de conclure le contrat à son cocontractant).

Les obligations spéciales d'information

Les professionnels doivent avant la conclusion du contrat mettre le consommateur en connaissances des caractéristiques du produit ou de la prestation. Ils doivent également l'informer sur les prix, limitation éventuelle de responsabilité contractuelle et conditions particulières de vente.

La réflexion et la rétractation

Parce que contracter suppose de connaître et de réfléchir, la loi impose un temps de réflexion. La loi dispose également qu'il existe un droit de repentir afin de rétracter son consentement.

Notes et références

  1. On notera cependant des objections à ce fait dans G. Rouhette, « Contribution à l'étude critique de la notion de contrat », thèse, Paris, 1965 ; Droit de la consommation et théorie générale du contrat, Mélanges Rodière, 1981, p. 247 et s.
  2. Un acte unilatéral est la manifestation de volonté par laquelle une personne, agissant seule, détermine des effets de droit. ex. : testament, reconnaissance d'enfant. Ce sont des actes juridiques qui émanent d'une seule personne, et qui déterminent des effets de droit (dévolution des biens à sa mort s'agissant d'un testament, filiation dans le cas de la reconnaissance d'un enfant.
  3. C. civ., art. 1128
  4. On appelle contrat unilatéral le contrat ne déterminant des obligations qu'à l'encontre d'une seule personne, l'autre en étant le débiteur. Le contrat unilatéral est opposé au contrat synallagmatique, dans lequel chacun est tour à tour le créancier et le débiteur de l'autre partie.
  5. Liv. III, tit. III, ss-tit. Ier chap. II, sect. 2, ss-sect. 1 : « Le consentement »
  6. François Terré, Yves Lequette, Philippe Simler et François Chénedé, Droit civil : les obligations, Dalloz., octobre 2018 (ISBN 978-2-247-18770-6), Page 183.
  7. Catherine Le Magueresse, « Viol et consentement en droit pénal français. Réflexions à partir du droit pénal canadien (comparaison avec la France) », Archives de politique criminelle, no 34,‎ janvier 2002, p. 223 à 240 (lire en ligne).
  8. Code civil : Article 1139 (lire en ligne)

Bibliographie

Article connexe