Jean-Luc Nancy

Jean-Luc NancyJean-Luc Nancy au Salon du livre de Paris en mars 2010.Biographie
Naissance 26 juillet 1940
Caudéran
Décès 23 août 2021 (à 81 ans)
Strasbourg
Nom de naissance Jean-Luc Roland Louis André Nancy
Nationalité française
Formation Université Toulouse-Jean-Jaurès (doctorat) (jusqu'en 1987)
Université Strasbourg-II
Activités Philosophe, professeur d'université
Période d'activité 1973-2013
Autres informations
A travaillé pour European Graduate School
Université Strasbourg-II
Mouvement Phénoménologie
Directeur de thèse Gérard Granel
Influencé par Martin Heidegger, Jacques Derrida, Sigmund Freud, Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling, Georges Bataille, Maurice Blanchot, Friedrich Nietzsche, Charles Baudelaire, Simone Weil
Distinction Prix Albertus-Magnus (2006)

Jean-Luc Nancy, né le 26 juillet 1940 à Caudéran et mort le 23 août 2021 à Strasbourg, est un philosophe français.

Biographie

Famille

Jean-Luc Nancy est le fils de Roger Nancy, ingénieur général du Service des Poudres (IG Farben), et de Jacqueline née Gendronneau. En 1970, Jean-Luc Nancy s'installe avec Philippe Lacoue-Labarthe, sa femme Claire Matet, professeur de lettres, et leurs deux filles, en communauté, « un chiasme sexuel », pour « rompre avec la cellule familiale, le chacun chez soi ». Il s'installe, en 1985, avec une nouvelle compagne, Hélène Sagan, professeur de philosophie et leur fils.

Formation

Il étudie au lycée Charles de Gaulle à Baden-Baden (Allemagne occupée), au collège Henri IV de Bergerac, au lycée Louis-le-Grand à Paris puis au lycée Lakanal à Sceaux et à la Sorbonne. Il est agrégé de philosophie en 1964 et docteur d’État (Toulouse, 1987). Professeur de philosophie au lycée Bartholdi à Colmar (Haut-Rhin) de 1964 à 1968, puis universitaire à Strasbourg (Bas-Rhin) de 1968 à 2002, militant de la Jeunesse étudiante chrétienne, de l’UNEF, du SGEN-CFDT jusqu’en 1967, du PSU en 1962-1963. En 1968, Nancy est assistant en philosophie à l'université de Strasbourg où il soutient sa thèse de troisième cycle en 1973. Il est ensuite nommé maître de conférences en philosophie à l'Université des lettres et sciences humaines de Strasbourg puis professeur des universités en 1988 après avoir soutenu son doctorat d’État en 1987 à Toulouse. Il occupe le poste de directeur de l'Unité de formation et de recherche (UFR) Plise (philosophie, linguistique, informatique, sciences de l'éducation) de 1989 à 1997. Il est également directeur de l'École doctorale des Humanités de 1992 à 1994. Il prend sa retraite en 2002.

Carrière

Nancy et Lacoue-Labarthe donnent des cours en commun dans les années 1970 et 1980, et publient plusieurs livres ensemble, dont L'Absolu littéraire.

À la fin des années 1980, Jean-François Lyotard et Gilles Deleuze proposent à Nancy et Lacoue-Labarthe de prendre leurs postes à l'université de Paris-Saint-Denis (ex-Vincennes). Mais Nancy et Lacoue-Labarthe décident de rester en Alsace. Cependant, Nancy observe une détérioration dans la qualité de l'enseignement universitaire, ainsi que dans la qualité des étudiants. Selon lui c'est désormais hors de l'université que la pensée s'épanouit, « comme au XVIIIe ».

En 1992, Jean-Luc Nancy subit une transplantation cardiaque, qu'il raconte et analyse dans l'un de ses livres les plus lus, Corpus. Cette opération sera suivie de complications, et il en garde une santé fragile. Il collabore avec la chorégraphe Mathilde Monnier et le chanteur Rodolphe Burger.

Pensée

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (juillet 2018). Pour l'améliorer, ajoutez des références de qualité et vérifiables (comment faire ?) ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source.

Tenté par la théologie, sa rencontre de Derrida, ses lectures de Althusser, Deleuze, Heidegger, Blanchot, Hölderlin, le conduisent à penser un monde fragmenté, irréductible à la systématicité moderne.

Avec Philippe Lacoue-Labarthe, Nancy est animé par le souci d'une reprise critique, déconstructrice, de la tradition philosophique allemande. Les deux penseurs reconnaissent dans le travail de Jacques Derrida cette même exigence. De cette commune exigence philosophique naîtra l'amitié entre ces trois philosophes.

C'est avant tout la pensée de la communauté qui sert de fil conducteur aux écrits de Nancy. Après les totalitarismes du XXe siècle, nous savons que considérer la vie commune comme une œuvre collective harmonieuse déchaîne sa force de destruction, voire d'autodestruction. Il faut donc accompagner et souligner le désœuvrement et se savoir exister dans une communication avec les autres, de l'ordre du contact, de la contamination sans identification et sans fusion. « Il n'y a rien entre nous », formule à double sens qui rend compte de notre proximité et de notre éloignement réciproques.

La communauté est celle des corps étendus dans l'espace sans former un tout indivisible, comme le prouve la greffe d'organes. L'âme est la forme du corps étendu, donc sa sensibilité qui l'ouvre en permanence sur le monde et les autres.

Cette communication sensible entre les êtres « singuliers pluriels » est une pensée politique différenciant la démocratie, composée de toutes les sphères de l'existence (l'amour, l'art, etc.), et le régime institutionnel qui a pour fonction de maintenir ces différentes sphères dépourvues de sens en elles-mêmes. Tout n'est donc pas politique: c'est ce que traduisaient les slogans de mai 68 (faites l'amour, pas la guerre…) en exigeant que l'existence prenne sens en dehors de la simple « gestion » économique d'une collectivité sublimée en « nation ».

La philosophie peut passer d'une sphère à l'autre, tenir compte de leurs différences tout en insistant sur leur communication: on découvre ainsi que chaque être singulier vit avec d'autres dans ces différentes sphères, qu'il s'excède (dans la souffrance comme dans la jouissance), touche l'autre ou les autres, et c'est bien ce qu'exprime un portrait, une partition ou un geste érotique.

Le monde ne constitue donc jamais une totalité : il a simplement un sens qui se partage entre la diversité des existences, qui ne s'est jamais perdu, qui ne se clôt jamais simplement dans un mythe ou une énumération d'attributs divins, de principes ou de lois scientifiques, et qu'il faut donc indéfiniment chercher : « le sens est hors du monde » (comme le disait Wittgenstein) et « il n'y a pas de sens du sens », aucune définition de ce que la philosophie, comme la littérature, comme chaque existant recherchent; voilà ce qui relance en permanence l'exigence d'interprétation, le temps d'une vie - sachant que nous ne faisons que passer, que nous sommes tous « en partance ».

Il s'agit d'une « excédence » du sens qui rassemble à une circulation infinie: ce « rapport à l’excédence en soi, à l’excédence absolue qui est celle de ce qu’on peut nommer l’être aussi bien que le monde ou le sens. » Les mots-clés utilisés par l'auteur – monde, comparution, être-avec – renvoient toujours au partage infini du débordement du sens, souvent inscrit dans le domaine du sens, ou comme « l’affaire même de la pensée. » Nancy ajoute partant qu'il faut

« se tenir dans ce rapport au sens sans compréhension, sans conclusion, sans représentation Il ne peut que dans le rapport qui s’ouvre à la fois entre nous ensemble et singulièrement un renvoi infini ou à l’infini la vérité du sens est le suspens par lequel le sens à la fois s’interrompt et se relance infiniment,. »

La pensée de Jean-Luc Nancy prend un tour de plus en plus historique, car la communauté « désœuvrée » s'est mondialisée, et cette mondialisation n'a plus la consistance de ce que l'on pouvait entendre par « civilisation » ; elle repose simplement sur le capitalisme et donc sur la loi de l'échange, c'est-à-dire de l'équivalence générale entre tous les biens et toutes les existences. Il n'y a rien à regretter. Mais il faut revenir sur ce qu'ont été les civilisations pour saisir leur érosion par le capitalisme, pour dénoncer les inégalités que tolère et provoque la loi de l'équivalence générale, pour tenter de capter les signaux d'une mutation que nous ne pouvons anticiper, en insistant dans notre présent sur la valeur infinie et incomparable de chaque existence singulière, aussi finie soit-elle. C'est pourquoi Nancy revient régulièrement sur le dit de Pascal : « 'homme passe infiniment l'homme. »

Critiques

En 2013, Jean-Pierre Faye, affirme, dans une tribune, que « le nazi Heidegger » est « le maître à penser du Collège international de philosophie », à l'occasion de son 20e anniversaire et dont Jean-Luc Nancy est membre,.

Après l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, le sémiologue François Rastier dénonce la tribune du philosophe dans Libération renvoyant l’Occident à ses propres responsabilités.

En 2017, Emmanuel Faye reproche au philosophe, de reprendre « la triste rhétorique de la Nouvelle Droite » en dénonçant le « politiquement correct » des « pourvoyeurs d'autodafés » qui critiquent des auteurs nationaux-socialistes comme Heidegger ou Schmitt, et de mépriser le fait qu'Heidegger rejoint Hitler, dans son discours au parti nazi de septembre 1933, déterminant l'appartenance à la « race » germanique non de façon biologique, mais par une certaine communauté d'essence.

Œuvres

Livres d'entretiens

Autres publications

Expositions

Musique

Apparitions filmographiques

Traductions

Notes et références

  1. Notice d'autorité de la Bibliothèque nationale de France.
  2. État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
  3. « Le philosophe Jean-Luc Nancy est mort », sur www.lemonde.fr (consulté le 24 août 2021)
  4. Eric Aeschimann, « Jean-Luc Nancy, philosopher à Strasbourg », Libération, 2 juillet 2011, consulté le 19 décembre 2016.
  5. https://maitron.fr/spip.php?article145672
  6. Marion Riegert, « Jean-Luc Nancy, la passion créatrice de la philosophie », sur unistra.fr (consulté le 6 septembre 2021)
  7. L’Adoration (Déconstruction du Christianisme, 2), Paris, Galilée, 2005, p. 23 ; cf. aussi p. 39 sq.
  8. La Comparution (politique à venir), Paris, Christian Bourgois, 1991, p. 75 ; cf. aussi p. 80
  9. Ibidem, pp. 130, 77-78.
  10. Autour des modalités épistémologiques du discours de Nancy, et ses rapports avec la deconstrution de la théologie chrétienne, voir Fulvio Accardi, « Pensée de la communauté et déconstruction du christianisme chez Nancy. Une possible mutation anthropologique ? », Cahiers d'études sur le religieux, 16, 2016 (consulté le 14 avril 2017).
  11. Ce fragment appartient à la liasse « Contrariétés », « Lafuma 131, Sellier 164 », et sa signification est toute autre. il s'agit d'un discours d'anthropologie religieuse: l'homme est constitué par la présence simultanée de misère et grandeur, qui sont les chiffres à décrypter du projet divin d'une révélation secrète et singulière du mystère de l'existant, au milieu d'une épistémologie 'nocturne' de l'infini, dont la pensée nancéienne de l’excédence du sens semble négliger la complexité.
  12. Pour les 30 ans du Collège de philo... Heidegger s'invite à la fête, Le Nouvel Observateur
  13. Un brûlot pour les 30 ans du Collège international de philosophie, Libération
  14. « Un camion lancé... », Jean-Luc Nancy, Libération, 18 juillet 2016
  15. « Terrorisme de Nice à Edmonton, la faute au camion ? », François Rastier, erudit.org, 31 janvier 2017
  16. Heidegger ou le national-socialisme essentialisé, Libération
  17. « Jean-Luc Nancy, dernier gardien de la grande époque de la pensée française », Politis,‎ 1er septembre 2021 (lire en ligne)
  18. Voir sur youtube.com.
  19. Voir sur inschibbolethtv.org.
  20. Site du film.
  21. Extrait : Jean-Luc Nancy - "Pour une commune pensée".

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes