Prise d'otages de Loyada

Prise d'otages de Loyada

Informations générales
Date 3 – 4 février 1976
(32 heures et 50 minutes)
Lieu Loyada (frontière entre Djibouti et la Somalie)
Issue mort des preneurs d'otages dans le bus, libération des otages, dont un enfant meurt dans l'action, l'autre plus tard
Belligérants
2e compagnie du 2e REP
E.R. de la 13e DBLE
GIGN
Front de libération de la Côte des Somalis
Drapeau de la Somalie Forces armées somaliennes
Commandants
André Soubirou
Christian Prouteau
Forces en présence
120 légionnaires et gendarmes 7 preneurs d'otages
Drapeau de la Somalie Plusieurs armes lourdes et tireurs
Pertes
1 blessé 7 morts
Drapeau de la Somalie 15 morts et 14 blessés

Militaires non-combattants : 2 blessés
Civils : 2 morts et 5 blessés

Données clés

Le 3 février 1976, des militants indépendantistes du Front de libération de la côte des Somalis (FLCS) prennent en otages les occupants d'un autobus de ramassage scolaire à Djibouti, alors situé dans le territoire français des Afars et des Issas (TFAI). Le lendemain, une compagnie de légionnaires parachutistes et des membres du groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) prennent d'assaut le bus, tuant les ravisseurs présents et libérant la plupart des otages.

Cet événement, en montrant les difficultés du maintien de la présence coloniale française à Djibouti, est une étape importante dans l'accession à l'indépendance du territoire.

La capture du bus

Le 3 février 1976 à 7 h 15, un car militaire effectuant le ramassage scolaire de 31 enfants de militaires dans différentes bases françaises est détourné par des militants indépendantistes armés, dans le quartier d'Ambouli (en), au niveau de la cité du Progrès. Après avoir franchi le barrage qui ceinture Djibouti, puis 15 km de pistes, il parvient à Loyada, poste-frontière avec la Somalie. En fin de matinée, après de premières négociations qui ont permis la libération d'un jeune otage, les premiers ravisseurs font déplacer le bus dans le no man's land jusqu'à une dizaine de mètres du poste de frontière somalien. Selon Ahmed Dini, il y avait six ravisseurs qui cherchaient à sortir de la ville où ils étaient recherchés. Une fois à la frontière, les quatre premiers ravisseurs sont remplacés par d'autres qui se relaient dans le bus et présentent des revendications politiques inspirées par la République démocratique somalie. Les nouveaux ravisseurs sont originaires de Djibouti et de Somalie. Six d'entre eux auraient intégré la police djiboutienne après l'indépendance en juin 1977. Selon les ex-otages et les personnes présentes lors du démarrage de la prise d'otages à Ambouli, il y avait initialement quatre ravisseurs et d'autres seraient ensuite venus de Somalie.

Le car, avec à son bord 31 enfants, le conducteur, qui est un jeune appelé, qui seront rejoints par une assistante sociale aux Armées — qui se porte ensuite volontaire pour soutenir les enfants pris en otages —, est immobilisé dans le no man's land entre les territoires français et somalien, à une dizaine de mètres seulement du poste-frontière somalien de Lawyacado (en).

L'opération militaire

Les forces armées françaises sont aussitôt mises en alerte dès le début de la prise d'otages. La 2e compagnie du 2e régiment étranger de parachutistes, commandée par le capitaine André Soubirou, en mission de courte durée à la 13e demi-brigade de Légion étrangère, quitte Djibouti pour se déployer à proximité du poste-frontière. Elle est renforcée dans la soirée par les auto-mitrailleuses légères (AML) de l'escadron de reconnaissance. De l'autre côté de la frontière, des soldats somaliens ont pris position derrière les barbelés, conseillés par des agents du pacte de Varsovie. La nuit tombe sans qu'il soit possible de deviner les intentions des preneurs d'otages, hormis celles liées à leurs revendications, qui expriment leur volonté de tuer les enfants si elles n'aboutissent pas.

Le 4 février, tôt le matin, arrive de métropole un groupe de neuf tireurs d'élite du groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) dirigé par le lieutenant Christian Prouteau. Ils sont installés à environ 180 mètres du bus, en avant de la palmeraie proche du poste de frontière français, à proximité des tireurs d’élite de la 13e DBLE et du 2e REP déjà en place. À 300 m du car, la compagnie du 2e REP reste en attente dans la palmeraie à l'ouest du bus, autour du poste du groupement nomade autonome. Les AML de l'escadron de reconnaissance de la 13e DBLE sont à 500 mètres au nord de la position, où un escadron de gendarmerie mobile est également en attente.

Le car avec ses passagers est toujours immobilisé au même emplacement. Les preneurs d'otages auraient été renforcés par des éléments venus de Somalie. Des soldats réguliers somaliens sont installés de part et d'autre du poste-frontière.

Le général Pierre Brasart, commandant supérieur des Forces armées du territoire français des Afars et des Issas (TFAI), dirige les opérations depuis son PC situé entre la palmeraie et les autres positions militaires françaises.

À 15 h 45, les tireurs d'élite du GIGN ouvrent le feu et tuent cinq preneurs d'otages (dont un est tué au deuxième coup de feu), utilisant à cette occasion pour la première fois la technique du « tir simultané » mise au point en 1974 : chaque tireur d'élite indique en code par radio lorsqu'il a la possibilité d'ouvrir le feu sur la cible. Quand chacun est prêt, l'ordre de tir est donné par le terme « zéro ». Chaque tireur compte alors trois secondes et déclenche le tir.

Dans la dizaine de minutes qui suit, le GIGN tue d'autres ravisseurs. Les soldats somaliens postés de l'autre côté de la frontière ripostent notamment avec des mitrailleuses MG42 positionnées dans la palmeraie. À partir du poste-frontière, d'autres soldats tirent aussi sur les gendarmes du GIGN et sur les légionnaires qui se précipitent vers le bus. Un sixième preneur d'otage, sans doute parti du poste-frontière somalien, réussit à entrer dans le bus, à s’emparer d'un enfant, avant d'être tué par un gendarme du GIGN et un légionnaire lorsqu'ils pénètrent dans le car. Dans sa chute, le ravisseur aurait vidé le chargeur de son arme au hasard et blessé plusieurs enfants, dont deux fillettes qui ne survivront pas.

Selon les enfants et le chauffeur, le sixième terroriste, venu probablement du poste-frontière, a ensuite longé le bus avant de tirer en direction de l'angle arrière droit du car. C’est ce tir qui aurait tué la jeune Nadine Durand et blessé gravement le chauffeur du car Jean-Michel Dupont, ainsi que plusieurs autres enfants, dont la jeune Valérie Geissbuhler, qui décédera dans la semaine suivant son rapatriement à Paris. Cependant, une piste affirme que Nadine Durand aurait été tuée par le tir d'un militaire français,.

Dans le même temps, la 2e compagnie du REP donne l'assaut tandis que les AML se déploient en ligne face à la frontière. Les légionnaires sont pris sous les tirs d'armes automatiques venant du côté somalien, qui sont rapidement neutralisés par les AML. Les sections de la 2e compagnie pénètrent dans le car et en extraient les enfants et les deux adultes qui sont mis à l'abri. À 16 h 5, l'action est terminée.

Bilan

Demande de reconnaissance de la qualité de victimes

En 2019, les familles des victimes brisent le silence et réclament des réparations à l'État. Hans Geissbuhler, ancien pilote d'hélicoptère d'élite, 75 ans, a longtemps gardé le silence sur la perte de sa fille Valérie, 7 ans. Pendant 43 ans, les familles des victimes ne se sont jamais rencontrées mais, après les attentats du Bataclan, Paul Vitani, le frère aîné de deux otages, a entrepris de les réunir et de les faire reconnaître comme victimes d'attentat à travers une association : "Les oubliés de Loyada". Pour Geissbuhler ou l'ancien otage Franck Rutkovsky, cette initiative est une occasion rare de recevoir un soutien car, disent-ils, « L'État nous a abandonnés », évoquant la douleur de la perte, la cadette traumatisée, la famille déchirée, et le manque de réponses aux courriers depuis 1976,,.

Culture populaire

Ces évènements réels ont servi de base pour le scénario du film franco-belge L'Intervention, sorti en 2019, lequel présente de nombreuses différences avec la réalité dans le récit, ce qui est précisé à la fin du film.

Références

  1. Coubba 1998, p. 117-119.
  2. Rémi Leroux, Le Réveil de Djibouti, 1968-1977, Harmattan, 1998, p. 139.
  3. « Ils ont commandé le 2e rep », sur 2e REP.
  4. "G.I.G.N. les exploits des gendarmes anti-terroistes", par Jean-Claude Bourret, aux éditions France-Empire, (ISBN 2 7048 0044 8)
  5. gign edition_2010, 27 octobre 2009, 105 p. (lire en ligne), p. 14
  6. Alexandra Gonzalez, « 40 ans du GIGN: le commandant Prouteau se confie », sur BFMTV, 25 juin 2014 (consulté le 11 février 2024).
  7. Roland Montins, GIGN : 40 ans d'actions extraordinaires, Éditions Flammarion, 2013, p. 73.
  8. « Prise d'otages à Djibouti en 1976 : le chauffeur du car scolaire raconte », Le Parisien,‎ 5 février 2016 (lire en ligne, consulté le 12 octobre 2019).
  9. « Balle perdue : le boucher de l'Institut médico-légal et les otages du car scolaire », sur La Revue des Médias (consulté le 28 juin 2021)
  10. « Quelle balle a tué ? », Le Monde.fr,‎ 12 février 1976 (lire en ligne, consulté le 28 juin 2021)
  11. « Prise d’otages de Loyada en 1976 », sur French Foreign Legion Information, 5 février 2021 (consulté le 20 mai 2023)
  12. Coralie Dreyer, « Loyada, février 1976 : l'attentat et les otages oubliés », Le Progrès, 17 février 2019 (consulté le 20 mai 2023)
  13. Colette Dubois, Pierre Soumille, Des chrétiens à Djibouti en terre d'Islam XIXe – XXe siècles, Paris, Karthala, 2004, 373 p., pp. 325-326.
  14. « L'Éthiopie dénonce les " menées subversives " de la Somalie », Le Monde,‎ 12 février 1976 (lire en ligne)
  15. Prise d'otages de Loyada : après 43 ans de silence, les familles des victimes demandent réparation, lejdd.fr, 17 décembre 2019.
  16. Haute-Vienne : un rescapé de la prise d'otages de Loyada témoigne, france3-regions, 21 janvier 2019.
  17. 45 ans depuis la prise d'otages de Djibouti et Loyada, sans date.

Voir aussi

Bibliographie

Filmographie

Articles connexes

Liens externes