Ana Mendieta

Ana Mendietaune illustration sous licence libre serait bienvenueAna Mendieta en 1981.Biographie
Naissance 18 novembre 1948
La Havane
Décès 8 septembre 1985 (à 36 ans)
New York
Nationalités cubaine
américaine
Domiciles La Havane, New York
Formation Université de l'Iowa (Master of Fine Arts) (jusqu'en 1977)
Activités Performeuse, photographe, artiste vidéo, sculptrice, artiste de land art, peintre, artiste visuelle, artiste, sportive
Période d'activité 1972-1985
Conjoint Carl Andre (jusqu'en 1985)
Autres informations
Mouvement art féministe
Représentée par Galerie Lelong (d), Electronic Arts Intermix (en)
Genres artistiques Portrait, performance, art vidéo, autoportrait
Distinctions Bourse Guggenheim (1980)
Prix de Rome américain (1983)

Ana Mendieta, née le 18 novembre 1948 à La Havane et morte le 8 septembre 1985 à New York, est une performeuse, sculptrice, peintre, photographe et artiste vidéo américano-cubaine.

Son œuvre se situe à la croisée du land art et du body art. Elle est surtout connue pour son travail « earth-body ». Explorant la binarité du genre, son œuvre s'inscrit dans une vision essentialiste du corps et des rapports entre les sexes.

Sa mort après une chute par la fenêtre de son appartement situé au 34e étage est sujette à controverses.

Biographie

Ana Mendieta naît le 18 novembre 1948 à La Havane, dans une famille cubaine éminente. À 12 ans, elle et sa sœur de 14 ans Raquelin sont envoyées par leurs parents dans le cadre du programme gouvernemental américain qui retire les enfants du régime cubain, deux ans après le coup d'état de Fidel Castro contre le gouvernement autoritaire du président Fulgencio Batista, et les transfère aux États-Unis. À travers l'opération Peter Pan, un programme collaboratif géré par le gouvernement américain et des associations caritatives catholiques, Ana et sa sœur passent leurs premières semaines dans un camp de réfugiés de l'Iowa, avant de passer par plusieurs institutions et familles d'accueil.

En 1966, elles sont rejointes par leur mère et leur petit frère ; leur père les rejoint en 1979 après avoir passé 18 ans en prison à Cuba à cause de son implication dans le débarquement de la baie des Cochons.

À la fin des années 1970, elle étudie à l'université d'Iowa où elle obtient une licence (BA) et un master (MA) en peinture ainsi qu'un master (MFA) en intermedia après avoir suivi les cours d'Hans Breder (en).

Au cours de sa carrière, elle voyage et expose dans de nombreux pays, notamment à Cuba, Mexico, en Italie et aux États-Unis.

Mort et controverse

Ana Mendieta meurt le 8 septembre 1985 à New York après une chute par la fenêtre de son appartement situé au 34e étage au 300, Mercer Street à Greenwich Village, où elle vit avec son mari, le sculpteur minimaliste Carl Andre, avec qui elle est mariée depuis huit mois.

Juste avant sa mort, les voisins ont entendu le couple se disputer violemment. Ils n'étaient pas témoins oculaires des événements qui entraînèrent la mort de Mendieta. Dans un enregistrement de l'appel d'Andre aux secours on l'entend dire :

« Ma femme est une artiste, et je suis un artiste, et nous avons eu une dispute à propos du fait que je sois plus, euh, exposé au public qu'elle. Et elle est allée dans la chambre, et je l'ai suivie et elle est passée par la fenêtre. »

En 1988, Andre est accusé de meurtre puis acquitté. Après trois ans de procédures judiciaires, son avocat décrit la mort de Mendieta comme un possible accident ou un suicide. Le juge déclare que « la culpabilité n'a pas été prouvée, au-delà d'un doute raisonnable,. »

L'acquittement provoque un tollé parmi les féministes du milieu de l'art et reste toujours controversé. En 2010, un colloque intitulé « Where is Ana Mendieta » se tient à l'université de New York pour célébrer le 25e anniversaire de sa mort. En mai 2014, le groupe de protestation féministe No Wave Performance Task manifeste devant la rétrospective de Carl Andre à la Dia Art Foundation. Il dépose des piles de sang animal et de boyaux devant l’établissement, tout en distribuant des survêtements transparent où il est écrit « J'aimerais qu'Ana Mendieta soit toujours en vie. ». En mars 2015, le No Wave Performance Task et un groupe de poètes féministes originaires de New York se rendent à Beacon pour protester contre la rétrospective d'Andre à la Dia:Beacon. Dans la galerie principale, elles hurlent, fabriquent des « siluetas » sur le sol du musée avec de la neige, teintée avec du paprika, des sprinkles et du faux sang.

Récompenses

Œuvre

Le travail d'Ana Mendieta, généralement autobiographique, s'inscrit essentiellement dans le champ de la performance et aborde les thèmes du féminisme, de la violence, de la mort et de l'appartenance.

Ses œuvres politiques sont généralement associées aux quatre éléments de la nature et empreintes d'une forte dimension spirituelle.

Le travail d'Ana Mendieta est également marqué par la religion et les rites. L'artiste s'intéresse notamment à la santeria, une religion dont la relation à la femme, la nature ou la sexualité diffère du patriarcat qui marque la doctrine catholique.

Elle se tourne vers la performance en 1972 et réalise la plupart de ses interventions, œuvres, performances et films entre 1972 et 1978. Ses performances comptent encore aujourd'hui parmi les plus radicales de ce mouvement artistique. La représentation des abus sexuels et l'utilisation de sang animal imprègnent un grand nombre de ses œuvres.

Quelques œuvres

En 1972, ses premières performances, Feathers on a Woman et Death of a Chicken, mettent en scène un corps de femme recouvert de plumes blanches ou de sang d'un poulet, fraîchement égorgé entre les mains de la performeuse.

Ces actions reflètent le lien entre le sacrifice animal et le sacrifice des femmes et met au centre la question de l'animalité, la virginité et la création. L'animalité et la virginité sont des thèmes récurrents dans son œuvre et reflètent une volonté de s'approprier et déconstruire la mythologie, notamment le mythe de Leda violée par un cygne ou l'enlèvement d'Europe par Zeus, et soulève la question du rapport érotique entre hommes et femmes, l'humiliation et la réification des femmes.

Dans la série Body on Glass (1972), Ana Mendieta colle son visage à une vitre et témoigne d'une volonté de le traverser, le verre symbolisant le mur invisible sur lequel les espérances féminines se heurtent.

Réalisée en 1973, Untitled (Self Portrait with Blood - Autoportrait en sang) est une photographie en couleur montrant une vue rapprochée du visage d'une jeune femme ruisselant de sang. Elle fait partie d'un groupe d'images qui documentent une performance dans laquelle l'artiste a posé pour l’appareil photographique avec du sang coulant sur son visage, son cou et ses vêtements de coton blanc. Sur ce cliché, la tête est inclinée vers l'arrière mettant en avant ses narines ensanglantées. Ses yeux entrouverts regardent directement le spectateur. Le sang recouvre son front et coule le long de son nez, dans ses lèvres et sur les côtés de son visage, coagulant dans ses longs cheveux noirs. Mendieta a photographié ses performances et ses happenings à l'aide de diapositives 35 mm. Cette œuvre, conservée à Londres à la Tate Modern, est dans la lignée de celles que Mendieta a créé les années précédentes comme Untitled (Variations esthétiques du visage) où elle pose face à l’objectif, déformant son visage par le maquillage, les perruques et des collants déchirés enfilés sur sa tête.

Siluetas

La série Siluetas, réalisée entre 1973 et 1980, met en scène des empreintes de son corps, visibles en creux dans la terre et le sable ou réalisées par un assemblage de divers éléments naturels. Ana Mendieta a utilisé son propre corps, pour marquer sa silhouette sur la terre, l'herbe, le sable, la boue, la neige ou la glace. Les formations rocheuses naturelles, la végétation, les matériaux et les débris terreux, le feu, l'eau et la poudre à canon sont devenus ses supports lorsqu'elle s'est tournée vers la production d’œuvres en plein air. Ces empreintes sont destinées à être éphémères, la nature pouvant reprendre son droit, et sont parfois asexuées. Cette série est imprégnée d'un double mouvement : celui du marquage du corps dans la nature, grâce aux empreintes laissées, mais aussi l'effacement de ce même corps, par leur caractère temporaire. Cette période est extrêmement prolifique : environ 200 pièces individuelles de la série Siluetas sont documentées dans des films et des photographies. La série a été, pour l'essentiel, réalisée dans les environs d'Iowa City (où elle a vécu) et près d'Oaxaca, au Mexique (où elle s'est rendue durant l'été). Les Siluetas ont été le début d'une forme d'art nouvelle et puissante dont elle a été la pionnière, en mêlant terrassement, féminisme, performance, art conceptuel, photographies et films.

Ana Mendieta a souvent utilisé son corps nu pour explorer et se connecter à la terre, comme on peut le voir dans son œuvre Imagen de Yagul, issue de la série Siluetas Works in Mexico 1973-1977. Sur la photographie de cette performance, on voit Ana Mendieta allongée nue dans une tombe préhispanique — probablement d'origine zapotèque — sur le site mésoaméricain de Yagul. Elle est recouverte de fleurs blanches et d’herbe arrangées par Hans Breder. Celui-ci prend une série de photographies à partir de laquelle Mendieta a imprimé une seule image emblématique. Cette œuvre révèle son désir de fusionner ou de ne faire qu’un avec la terre. La réalisation de l'œuvre dans une tombe préhispanique fait référence à la culture mexicaine et vient renforcer les liens avec un passé ancestral — avec lequel Mendieta ressentait une étroite affinité — et avec les histoires et les systèmes de croyances des civilisations que Mendieta estimaient être plus en phase avec les ressources naturelles. Les Siluetas ont rendu tangible la croyance de Mendieta en la terre comme déesse, enracinée dans la Santeria afro-cubaine.

Performances : 1972-1980

Expositions

Expositions personnelles et collectives

Rétrospectives

En 2017, 23 films sont restaurés et présentés au Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive en Californie et en 2018 à Berlin, au Martin-Gropius-Bau.

En 2018, une rétrospective de l’œuvre filmée d'Ana Mendieta est présentée au Jeu de Paume à Paris.

Collections publiques

États-Unis Espagne France Japon Suisse

Notes et références

  1. Anne Creissels, Prêter son corps au mythe, Editions du Féin, 2009 (lire en ligne), p56.
  2. Leslie Camhi (June 20, 2004), « Her Body, Herself » New York Times.
  3. (en) « Ana Mendieta », sur le site du Solomon R. Guggenheim Museum, New York, 24 février 2017 (consulté le 5 mars 2017).
  4. (en) Olga Viso, Ana Mendieta : Earth Body, Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz Publishers, 2004.
  5. Carl Swanson (April 1, 2012), Maximum Outrage Over Minimalist Sculptor New York Magazine.
  6. Sean O'Hagan (September 21, 2013), « Ana Mendieta: death of an artist foretold in blood » The Guardian.
  7. William Wilson (February 18, 1998), « Haunting Works From Cuban Exile Mendieta », Los Angeles Times.
  8. Vincent Patrick (June 10, 1990), « A Death In The Art World », New York Times.
  9. (en) Ron Sullivan, « Greenwich Village Sculptor Acquitted of Pushing Wife to Her Death », The New York Times,‎ 12 février 1988 (lire en ligne, consulté le 13 février 2015).
  10. (en) Ronald Sullivan, « Greenwich Village Sculptor Acquitted of Pushing Wife to Her Death », New York Times,‎ 1988 (lire en ligne, consulté le 27 juillet 2018).
  11. (en) Gillian Sneed, « The Case of Ana Mendieta », Art In America,‎ 12 octobre 2010 (lire en ligne, consulté le 13 février 2015).
  12. (en) Jill Steinhauer, « Artists Protest Carl Andre Retrospective With Blood Outside Dia: Chelsea », Hyperallergic,‎ 20 mai 2014 (lire en ligne, consulté le 13 février 2015).
  13. (en) Marisa Crawford, « Crying for Ana Mendieta at the Carl Andre Retrospective », Hyperallergic.com,‎ 10 mars 2015 (lire en ligne).
  14. « Ana Mendieta », sur contemporaine.org.
  15. (en) John Perreault, « Earth and Fire, Mendieta Body of Work », Ana Mendieta: A Retrospective,‎ 1988, p. 10

    « Through my earth/body sculptures I become one with the earth I become an extension of nature and nature becomes an extension of my body. This obsessive act of reasserting my ties with the earth is really the reactivation of primeval beliefs an omnipresent female force, the after image of being encompasses within the womb, is a manifestation of my thirst for being. »

    — Anna Mendieta, déclaration inédite, citée par John Perreault

    « Mes sculptures terre/corps constituent un moyen pour ne faire qu'un avec la terre Ainsi, je deviens une extension de la nature et la nature devient une extension de mon corps. Cet acte obsessionnel de réaffirmer mes liens avec la terre est réellement la réactivation des croyances primordiales. une force féminine omniprésente, l'image d'être englobée dans l'utérus, est une manifestation de ma soif d'être. »

    .
  16. (en) Kaira M. Cabañas, « Ana Mendieta: ‘Pain of Cuba, Body I Am.’ », Woman’s Art Journal, vol. 20, no 1,‎ 1999, p. 12–17 (DOI 10.2307/1358840, JSTOR 1358840)
  17. Anne Creissels, Prêter son corps au mythe. Le féminin et l'art contemporain, Paris, Le Félin, 2009, 112 p. (ISBN 978-2-86645-691-7, lire en ligne), "De Léda à Daphné : Ana Mendieta entre sacrifice et virginité", p. 55-70.
  18. (en) Jane Blocker, Where Is Ana Mendieta ?, Durham, Duke University Press, 1999, 165 p. (ISBN 9780822323044), p. 17.
  19. Petra Barreras del Rio, John Perreault et New Museum of Contemporary Art, Ana Mendieta : a retrospective, New Museum of Contemporary Art, 1987 (ISBN 0-915557-61-4 et 978-0-915557-61-5, OCLC 17485064, lire en ligne).
  20. Lisa Congdon, Broad strokes: 15 women who made art and made history, in that order, 2017 (ISBN 978-1-4521-5283-7 et 1-4521-5283-7, OCLC 974642708, lire en ligne).
  21. (en) Olga Viso, Ana Mendieta: Earth body ; sculpture and performance, 1972-1985, Washington, D.C, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution, 2004, 186 p. (ISBN 3775713956).
  22. Elsa Daynac, « Tumba #5 – Ana Mendieta », Un podcast, une œuvre, Centre Pompidou, 28 octobre 2020, 25 min.
  23. (en) Jennifer Brough, « This Artwork Changed My Life : Ana Mendieta’s “Silueta” Series » Accès libre, sur Artsy, 1er septembre 2020 (consulté le 22 février 2023).
  24. Voir sur connaissancedesarts.com.
  25. (en-US) « Bodily Rites: The films of Ana Mendieta », sur artforum.com (consulté le 27 juillet 2018).
  26. (en-US) « Exhibition// ‘Covered in Time and History: The Films of Ana Mendieta’ at Gropius-Bau », Berlin Art Link,‎ 26 avril 2018 (lire en ligne, consulté le 27 juillet 2018).
  27. « Ana Mendieta - Le temps et l'histoire me recouvrent - du 16 octobre 2018 au 27 janvier 2019 », sur Le Jeu de Paume, octobre 2018 (consulté le 18 avril 2019).

Sources

Annexes

Bibliographie

Liens externes