Bombardement de Guernica

Bombardement de Guernica
Image illustrative de l’article Bombardement de Guernica
Guernica après le bombardement - Fonds des archives fédérales (Allemagne).
Date 26 avril 1937
Lieu Guernica, Biscaye, Espagne
Victimes Civils
Morts 126 à 1 654
Blessés Plus de 800
Auteurs Drapeau de l'Allemagne nazie Reich allemand

Drapeau du Royaume d'Italie Royaume d'Italie

Ordonné par Wolfram von Richthofen
Participants 23 bombardiers Junkers Ju 52
1 bombardier Dornier Do 17
4 bombardiers Heinkel He 111
10 chasseurs Heinkel He 51
6 chasseurs Messerschmitt Bf 109
3 bombardiers Savoia-Marchetti SM.81
10 chasseurs Fiat CR.32
Guerre Guerre d'Espagne
Coordonnées 43° 19′ nord, 2° 40′ ouest
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(Voir situation sur carte : Pays basque (communauté autonome)) Bombardement de GuernicaBombardement de Guernica

Le bombardement de Guernica (sous le nom de code opération Rügen) est une attaque aérienne réalisée sur la ville basque espagnole de Guernica le lundi 26 avril 1937 par 44 avions de la légion Condor allemande nazie et 13 avions de l'Aviation Légionnaire italienne fasciste, en appui du coup d'État nationaliste contre le gouvernement de la Seconde République espagnole.

Cet événement majeur et hautement symbolique de la guerre d'Espagne contribua à la médiatisation internationale du conflit, par l'intermédiaire d'une intense propagande, notamment au sujet du nombre de victimes et des responsables du massacre, aussi bien par les partisans des nationalistes que des républicains ; parmi ces derniers, le peintre espagnol Pablo Picasso a joué un rôle important avec son célèbre tableau Guernica représentant la population bombardée et exposé pour la première fois à l'Exposition internationale de Paris, du 12 juillet 1937 à la fin de l'année 1937.

Contexte et objectifs du bombardement

Contexte

Le bombardement de Guernica a lieu pendant la campagne de Biscaye.

Le bombardement de Durango avait eu lieu un mois auparavant. Avant cela, des villes avaient déjà été bombardées en Mésopotamie, en Libye ou en Éthiopie. Madrid est bombardée à partir de septembre 1936.

Une ville

La ville de Guernica avait une valeur symbolique, l'autonomie juridique et fiscale était représentée par l'arbre de Guernica (un chêne multi-centenaire) où les rois de Castille allaient prêter serment de respecter les fors basques.

Un objectif stratégique militaire

En raison de l'apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l'énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l'attaque, ce bombardement a souvent été considéré comme un des premiers raids de l'histoire de l'aviation militaire moderne sur une population civile sans défense, et dénoncé pour cela comme un acte terroriste, bien que la capitale (Madrid) ait été déjà bombardée auparavant à de nombreuses reprises.

Cependant, d'après certains historiens, Guernica aurait été un objectif militaire de première importance. Il faut souligner que la fabrique d'armes Astra Unceta y Cia qui avait fabriqué entre autres le célèbre pistolet Ruby se situait et se situe toujours à Guernica. Les bâtiments subsistent encore malgré l'arrêt de la production en 1997.

Un objectif tactique

La veille du bombardement, des combattants de l'Eusko Gudarostea traversent Guernica en fuyant en direction de Bilbao dans le but d'organiser une nouvelle ligne de défense. Wolfram von Richthofen propose de bombarder un pont au nord de la ville pour leur couper la route.

Un essai technique

Le bombardement de Guernica est célèbre pour avoir été le premier tapis de bombes et le premier bombardement alternant bombes explosives et incendiaires.

Comme pour les autres interventions de la Luftwaffe pendant la guerre d'Espagne, un des objectifs avoués des dirigeants nazis était de tester les nouveaux matériels de guerre allemands avant de lancer de plus amples offensives en Europe.

Le bombardement : déroulement des opérations

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (avril 2012). Pour l'améliorer, ajoutez des références de qualité et vérifiables (comment faire ?) ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source. Messerschmitt Bf 109 C-1 du Jagdgruppe 88 de la Légion Condor qui participa le 26 avril 1937 au bombardement de Guernica.

Le lundi 26 avril 1937, jour de marché, quatre escadrilles de Junkers Ju 52 de la Légion Condor allemande ainsi que l'escadrille VB 88 de bombardement expérimental (composée de Heinkel He 111 et de Dornier Do 17), accompagnées par des bombardiers italiens (Savoia-Marchetti SM.79) de l'Aviazione Legionaria et escortées par des avions de chasse allemands (Messerschmitt Bf 109), procèdent au bombardement de la ville afin de tester leurs nouvelles armes.

L'attaque commence à 17 h 30 à la mitrailleuse, aux bombes explosives et enfin aux bombes incendiaires. Après avoir lâché environ 60 tonnes de bombes incendiaires, les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers 20 h soit 2h30 de bombardement . À ce moment, 1/5 de la ville était en flammes, et l'aide des pompiers de Bilbao (3 h après le bombardement) s'avérant inefficace, le feu se propagea à environ 70 % des habitations.

Les victimes : un bilan controversé

Le bilan officiel

Le nombre officiel de victimes, toujours maintenu depuis par le gouvernement basque, fait état de 1 654 morts et de plus de 800 blessés. Il s'accorde avec le témoignage du journaliste britannique George Steer, correspondant à l'époque du Times, qui avait estimé qu'entre 800 et 3 000 des 7 000 habitants de Guernica périrent.

La révision du bilan

D'après la BBC (média britannique), l'historiographie récente parle plutôt de deux cents à deux cent cinquante morts et de plusieurs centaines de blessés. Dans España en llamas. La Guerra Civil desde el aire (2003), Josep Maria Solé y Sabaté et Joan Villarroya estiment le nombre de morts à trois cents. Raúl Arias Ramos, dans son ouvrage La Legión Cóndor en la Guerra Civil (2003) l'estime à deux cent cinquante. Enfin, une étude réalisée en 2008 par deux historiens de l'association Gernikazarra, Vicente del Palacio y José Ángel Etxaniz, donne un bilan de 126 morts.

Le journaliste Vicente Talón (es) dans son « Arde Guernica » (San Martín, 1970), est arrivé à la conclusion qu'il n'y aurait pas eu plus de 200 morts, estimation reprise par Ricardo de la Cierva, puis, en 1987, par le général franquiste Jesús Salas Larrazábal, dans son livre intitulé Guernica (éd. Rialp), Pío Moa et la chaîne de télévision publique allemande ARD en avril 1998. Les chiffres avancés par Vicente Talón ne prennent pas en compte les morts de l'hôpital de Bilbao (592 personnes), mais c'est surtout, d'après Pío Moa, parce qu'il est difficile de distinguer les civils morts dans le bombardement des autres, parmi lesquels se trouvaient de nombreux combattants de la guerre d'Espagne.

L'association historique locale Gernikazarra Historia Taldea a évalué, dans son livre Sustrai erreak 2 publié en 2011, que le nombre de victimes établies, selon son étude des registres d'état-civil, est de 153 morts. Cette évaluation a été citée par les historiens Stanley Payne et Paul Preston. Ce dernier précise que les franquistes ont essayé d'éliminer les traces du bombardement et n'ont pas essayé de tenir un registre précis du nombre de corps, et que les études de l'historien Xabier Irujo (directeur du centre d'études basques de l'université du Nevada) confirment que l'évaluation officielle (1654 morts) du gouvernement basque est correcte, si elle n'est pas sous-évaluée.

Selon les archives russes Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (mars 2022). Pour l'améliorer, ajoutez des références de qualité et vérifiables (comment faire ?) ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source.

Les archives russes par le biais de l'historien Sergueï Abrossov, mentionnent 800 morts en date du 1er mai 1937. Il s'agit d'une évaluation incomplète qui ne prend en compte ni les personnes retrouvées ultérieurement sous les décombres, ni celles décédées plus tard de leurs blessures.

Les réactions

Ce bombardement a marqué les esprits non seulement à cause de l'ampleur du massacre mais aussi et surtout à cause de la valeur terroriste qui lui a été attribuée, du fait de l'apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l'énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l'attaque. S'il a longtemps été considéré comme le premier raid de l'histoire de l'aviation militaire moderne sur une population civile sans défense, alors que la Légion Condor avait en fait déjà commencé en février 1937 à bombarder des civils, c'est aussi parce que la valeur symbolique de la ville renforça le sentiment qu'il s'agissait d'un acte terroriste exemplaire de la répression des antifranquistes.

Le 24 avril, selon l'O.D.B. établi par le conseiller Arjénoukhine, l'aviation républicaine du front nord n'alignait plus que trois Polikarpov I-15, deux Létov, quatre Breguet, trois Gourdou et un Koolhoven. Seuls les trois Polikarpov I-15 pouvaient avoir une quelconque valeur militaire, mais ils étaient engagés sans interruption depuis novembre 1936 et les machines étaient tout aussi épuisées que leurs pilotes russes. De plus le groupement leur faisant face alignait bien plus de cent avions modernes. Au 7 mai 1937, le commandement républicain, malgré une situation difficile en Espagne centrale (l'aviation républicaine y combattait déjà à un contre trois), se décida tout de même à transférer neuf I-15 et six R-Zet par Toulouse, vers Santander. Ces machines y seront d'ailleurs immobilisées par le Comité de non-intervention puis renvoyées désarmées en Aragon.

Dans l'art et la culture

Pablo Picasso a peint l'horreur de cet événement dans le tableau Guernica. Cette commande du gouvernement espagnol pour son pavillon de l'exposition universelle en 1937 à Paris est devenue une des œuvres les plus célèbres de Picasso.

Le sculpteur français René Iché a réalisé Guernica à la suite du bombardement.

Le film Gernika est sorti en 2016 et a pour thème le bombardement de la ville.

L'attribution de la responsabilité du bombardement

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (mars 2009). Pour l'améliorer, ajoutez des références de qualité et vérifiables (comment faire ?) ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source. L'accusation des républicains par Franco

Franco, sous la pression internationale faisant suite aux révélations du Times, affirme, en s'appuyant sur la Dépêche Havas de Guernica, que la Luftwaffe n'aurait pu voler le 26 avril pour des raisons climatiques, et que la destruction de Guernica est due aux Basques républicains qui auraient incendié et dynamité la ville dans leur fuite. Ce mensonge du futur Caudillo fut plus tard reconnu unanimement.

En 2004, sur demande expresse d'un député basque, le gouvernement espagnol a même reconnu officiellement la responsabilité du gouvernement de l'époque.

L'accusation des nazis par les franquistes

Une interprétation différente et plus tardive, émanant de Carlos Rojas et surtout de Ricardo de la Cierva, ne nie pas le bombardement, mais en fait porter l'entière responsabilité au régime nazi :

L'erreur accidentelle invoquée par un pilote allemand

Adolf Galland, pilote de la Légion Condor arrivé en Espagne le 8 mai 1937, a admis en 1953 que la ville avait été bombardée par les avions allemands, mais « par erreur ». Selon Galland, la Légion Condor avait été chargée de détruire le pont Rentería, utilisé par les Républicains, mais comme la visibilité était mauvaise et les équipages sans expérience, l'objectif fut manqué et la ville bombardée par erreur.

Cependant, comme l'a fait remarquer l’historien Southworth, « les bombes incendiaires n'ont pas été chargées par erreur » dans les avions, et l'objectif réel du bombardement était par conséquent, de toute évidence, la ville de Guernica et non le pont.

Postérité et mémoire

En 1997 le président fédéral allemand Roman Herzog reconnaît officiellement « l’implication coupable de pilotes allemands ».

En 2022, le président ukrainien Volodymyr Zelensky compare les bombardements lors de l'invasion de l'Ukraine par la Russie à celui de Guernica devant la chambre des députés espagnole.

Notes et références

  1. Miguel Allo et Africa Gordillo, « Le premier bombardement massif de civils il y a 85 ans : peut-on comparer Guernica et Marioupol en Ukraine ? », sur rtbf.be, 26 avril 2022.
  2. Miguel Angel Sanz, Mémoires d’un p’tit gars des faubourgs de Madrid, Pilote de chasse de la République, TMA Éditions, juin 2005 (ISBN 9782915205060).
  3. André Larané, « 26 avril 1937 Guernica ou le massacre des innocents », sur herodote.net, 10 octobre 2021.
  4. Patterson 2007, p. 30.
  5. Hermann Göring a déclaré, le 14 mars 1946, au procès de Nuremberg, que l'aide militaire à Franco avait pour double objectif la lutte contre l'expansion du communisme et l'essai technique de la Luftwaffe : « I urged him to give support under all circumstances, firstly, in order to prevent the further spread of communism in that theater and, secondly, to test my young Luftwaffe at this opportunity in this or that technical respect. »
  6. Yves Saint-Geours, « Picasso face à Guernica », sur lhistoire.fr, avril 2017.
  7. Gérard Brey, « La destruction de Guernica », Tiempo de Historia, no 29, avril 1977.
  8. Voir aussi le premier article de George Steer (les chiffres alors évalués à « des centaines »).
  9. (en) « The legacy of Guernica », news.bbc.co.uk, le 26 avril 2001.
  10. Josep Maria Solé i Sabaté et Joan Villarroya, España en llamas. La Guerra Civil desde el aire, Temas de Hoy, 2003 (ISBN 978-8-484-60302-3).
  11. Raúl Arias Ramos, La Legión Cóndor En La Guerra Civil, La Esfera de los Libros, 2003 (ISBN 978-8-497-34137-0).
  12. (es) « Refugios de vida para Gernika », elcorreo.com, le 27 avril 2008.
  13. Bombardeo de Gernika. Críticas al «revisionismo» en el 61º aniversario.
  14. Maider Sillero Alfaro, « "Los gernikarras hemos recibido desde niños por transmisión oral lo que fue el bombardeo" », euskonews.
  15. Stanley G. Payne, ¿Por qué la Republica perdió la Guerra?, 2010.
  16. Paul Preston et José Pablo García, La muerte de Guernica, 2017, p.82.
  17. Karmele Urrutia, Xabier Irujo: “Gernika es un ejemplo arquetípico de la manipulación de la verdad a manos del poder establecido”, 2017.
  18. (en) « Xabier Irujo - Center for Basque Studies », sur University of Nevada, Reno (consulté le 13 novembre 2023).
  19. Paul Preston et José Pablo García, La muerte de Guernica, 2017, p.83.
  20. En février 1937, la Légion Condor, appuyée par la Marine insurgée nationaliste a mitraillé et bombardé des colonnes de réfugiés civils pendant une dizaine de jours sur la route entre Málaga et Almería. Les historiens actuels avancent les chiffres de 100 000 à 150 000 réfugiés civils fuyant Málaga sur le point d'être prise par les troupes italiennes alliées aux nationalistes. Ces faits n'ont été révélés que tardivement à travers des publications historiques, des expositions de photos de l'époque et des vidéos basées sur les archives de l'Armée italienne (cf. Neila Majada & Bueno Pérez : Carretera Málaga-Almería -febrero de 1937-, 2006).
  21. Rapport de 2004 des Cortes Generales.
  22. Voir Antony Beevor, p. 421.
  23. « 26 avril 1937, le bombardement de Guernica par la légion Condor », sur la-croix.com, 26 avril 2017.
  24. AFP, « Devant le Parlement espagnol, Zelensky compare la guerre en Ukraine à Guernica », sur nicematin.com, 5 avril 2022.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes