Poison

Les poisons sont, en biologie, des substances qui provoquent des blessures, des maladies ou la mort d'organismes par une réaction chimique, à l'échelle moléculaire. Cette définition exclut les agents physiques, même de petite taille (un caillot, une bulle d'air dans le sang, un courant électrique, une radiation, etc.). On différencie la pénétration volontaire de substances toxiques dites poisons (intoxication), de la production interne de toxines (intoxination) mais la distinction entre ces deux termes n'est pas toujours observée, même parmi les scientifiques.

Selon l'observation de Paracelse, considéré comme le fondateur de la toxicologie, « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu’une chose n’est pas poison », y compris pour les plus nécessaires, comme l'eau, l'oxygène, les vitamines. A contrario, des substances considérées comme poison au-delà de certaines doses, peuvent avoir des propriétés pharmacologiques intéressantes. Par exemple, à faibles doses, l'oxyde d'arsenic peut guérir des lupus. La plupart des médicaments anti-infectieux efficaces, tels les antibiotiques, sont des poisons et leur posologie est calculée afin de détruire l'agent infectieux sans mettre en danger la vie du patient. Les contre-poisons peuvent également être dangereux, mais leur antagonisme annule les effets toxiques de chacune des deux molécules.

On réserve généralement l'appellation de poison à ceux qui agissent à dose très faible (rapport massique inférieur au millième ou au millionième).

L'étude des symptômes, des mécanismes d'action, des traitements et du diagnostic des poisons biologiques est appelée la toxicologie.

La chimie a généralisé la notion de poison en parlant de poison de catalyseur : c'est une substance qui bloque ou inhibe une réaction, le plus souvent en se liant à un catalyseur plus fortement que le réactif normal. Par exemple, les essences contenaient du plomb qui bloquait rapidement le fonctionnement des pots d'échappement catalytiques, ce qui a obligé à reformuler les essences.

La grande unité des processus utilisés par les espèces vivantes fait que beaucoup de poisons ont des effets sur de nombreuses espèces, même si la sensibilité est très variable d'une espèce à une autre.

La plupart des espèces produisent des poisons pour elles-mêmes, et s'organisent en conséquence.

Étymologie

Le mot poison est issu du latin potionem, accusatif de potionis, « action de boire », d'où par métonymie « breuvage, boisson ». Par spécialisation, le mot a désigné un breuvage médicinal et un breuvage empoisonné, un philtre magique. Le sens moderne de boisson suspecte ou empoisonnée se dégage au XIIe siècle mais son étymologie rappelle la maxime de Paracelse « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu’une chose n’est pas poison », principe de base de la toxicologie mais scientifiquement caduque depuis notamment les recherches sur les perturbateurs endocriniens qui montrent que ces molécules ont des effets plus importants à petites doses qu'à des concentrations plus fortes.

Grandes catégories

On distingue trois grandes catégories de poisons :

Le poison peut être gazeux, liquide ou solide. Il peut agir par contact (absorption cutanée), par inhalation, par ingestion ou injection. Il existe des poisons naturels (gaz, minéraux, alcaloïdes, venins, etc.) et des poisons créés par l'homme.

On distingue aussi les toxiques lésionnels (paraquat, colchicine, etc.) des toxiques fonctionnels (antiarythmiques, antidépresseurs, tricycliques, barbituriques, carbamates, chloroquine, digitaline, théophylline, etc.).

Classes

Beaucoup de substances considérées comme des poisons sont en fait des précurseurs de poisons : c'est le corps lui-même qui les transforme en poisons. Par exemple, le méthanol n'est pas toxique, mais est transformé en méthanal dans le foie.

(Voir aussi les types de toxines dans l'article Venin).

Types de dommages

Le contact ou l'absorption d'un poison peut provoquer des dommages :

(Voir aussi les types de dommages dans l'article Venin).

Résistance aux poisons

Les poisons sont tellement présents que la vie serait impossible sans mécanismes antipoisons. Différentes solutions sont adoptées par les êtres vivants :

La mithridatisation consiste à ingérer des doses croissantes d'un produit toxique dans le but d'acquérir une insensibilité ou une résistance vis-à-vis de celui-ci. Le roi de l'Antiquité Mithridate procédait ainsi afin de prévenir les risques liés à un empoisonnement dont il craignait d'être la victime.

Les effets du poison varient aussi avec la résistance de la victime.

Période de latence

Certains poisons peuvent avoir un effet foudroyant, agissant en quelques minutes, d'autres en quelques heures, d'autres en quelques jours, ou à plusieurs semaines, enfin certains agissant à long terme (sur six mois à plus d'une année, avec une longue période de latence — par exemple avec l'amiante, en raison des très longs délais de développement du cancer de la plèvre (mésothéliome). Cette dernière période pour l'amiante dépasse nettement les vingt ans, dans la majorité des cas de mésothéliomes.

La période de latence — désignant la période sans symptômes ou le temps moyen au bout duquel le poison fait son effet —, peut être très variable d'un poison à l'autre et peut dépendre d'autres facteurs (résistance au poison…), la plupart des poisons ne faisant pas effet immédiatement, dans la mesure où ils doivent d'abord être assimilés par l'organisme.

Doses létales

Les doses létales peuvent être très variables, variant de quantités supérieures au gramme/kilogramme au microgramme/kilogramme pour la toxine botulique, poison naturel le plus toxique.

En toxicologie, la dose létale médiane (DL50), dose par kilogramme de poids frais, représente la dose qui entraîne la mort de la moitié des êtres humains ou des organismes vivants présents dans un échantillon.

Détection

Les techniques utilisées pour détecter les poisons dépendent de leur nature. Les analyses physico-chimiques peuvent notamment utiliser les méthodes électrochimiques, chromatographiques et spectrométriques, par exemple une chromatographie couplée à une spectrométrie de masse.

Usage

Dans la nature

Sans poisons, la vie telle que nous la connaissons n'existerait pas. Toutes les espèces vivantes usent largement de poisons, et certaines plus que d'autres :

Par l'homme (hors crimes)

Les poisons sont employés par l'homme depuis des temps immémoriaux pour des activités de pêche, de chasse, ou de guerre (ex : curares).

En France, bien avant de parler de « polluants », à la fin du XIXe siècle (pour le phosphore blanc en 1892 par exemple) et au tout début du XXe siècle, sous l'influence des hygiénistes et médecins, on parle de « poisons industriels », dont on commence à vouloir légalement protéger les travailleurs, poisons qui affectent souvent mortellement les travailleurs des usines, des champs et moindrement, mais aussi les habitants dont les maisons sont proches des usines de la carbochimie et de la chimie ou proches des usines utilisant de grandes quantités de produits toxiques qui affectent notamment les poumons des personnes exposées.

Après la révolution industrielle, l'homme répand à grande échelle des poisons souvent avec une véritable volonté et une conscience des buts poursuivis (mais parfois, en revanche, une véritable inconscience des conséquences) :

Dans le cadre de crimes

Dans ce cadre, on emploie parfois l'expression bouillon d’onze heures. Les différents crimes peuvent être, sans exhaustivité :

Empoisonnements célèbres

Empoisonneurs célèbres

Empoisonnement dans la littérature

Empoisonnement dans les films et séries

Notes et références

  1. Alain Rey, Le Dictionnaire Historique de la langue française, Le Robert, 2012, p. 2819.
  2. (de) Paracelsus, Septem Defensiones 1538 : Die dritte Defension wegen des Schreibens der neuen Rezepte (lire en ligne).
  3. Francelyne Marano, Robert Barouki et Denis Zmirou, Toxique ? Santé et environnement, Buchet/Chastel, 2015, p. 47.
  4. « Quels sont les poisons naturels les plus mortels au monde ? », sur www.maxisciences.com, 21 juin 2018.
  5. Charles De Sinner, Les grands poisons industriels : Le phosphore blanc des allumettes, vol. 1, Ch. de Sinner Éditeur, Impr. Corbaz, 1892
  6. Office du travail, ministère du Commerce, de l'Industrie, des Postes et télégraphes, Poisons industriels, Éd. Office du travail, ministère du Commerce, de l'Industrie, des Postes et télégraphes, Imprimerie nationale, 1901, 449 p.
  7. Direction du travail, Poisons industriels, Direction du travail (France) ; Imprimerie nationale, 1901, 449 p.
  8. Theodor Sommerfeld, R. Fischer, Liste des poisons industriels et des autres substances dangereuses pour la santé, que l'on rencontre dans l'industrie, d'après les résolutions de l'Association internationale pour la protection légale des travailleurs, 1913
  9. Georges Alfassa F. Alcan, Les poisons industriels : rapport présenté à l'Association internationale pour la protection légale des travailleurs, 1906, 34 p.
  10. Notice sur les poisons industriels et les « pneumoconioses » (lésions du poumon par les poussières industrielles), Impr. provinciale, 1925, 32 p.
  11. Tite-Live, Livre VIII, 18
  12. « Comité de soutien à JM Deperrois », sur sites.google.com (consulté le 18 novembre 2016)
  13. Bruno Ramirez de Palacios, Charles dit le Mauvais, roi de Navarre, comte d'Evreux, prétendant au trône de France, 2015, p. 481-483.
  14. La Confidence des Ruggieri.
  15. Lucrèce Borgia, Gallica
  16. Forme originelle : « Alle Dinge sind ein Gift und nichts ist ohne Gift. Allein die Dosis macht, daß ein Ding kein Gift ist », c'est-à-dire littéralement : « Toute chose est un toxique et rien n'existe sans toxicité, seul le dosage fait qu'une chose n'est pas un poison. »

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes