Aujourd'hui, Quand un soldat est un sujet qui suscite un grand intérêt et un grand débat dans la société. Depuis ses origines jusqu'à nos jours, Quand un soldat a fait l'objet d'études et d'analyses par des experts de différentes disciplines. Son impact sur la vie des gens et sur le développement de l'humanité a été profond et sa pertinence est restée au fil du temps. Dans cet article, nous explorerons en détail les aspects les plus pertinents de Quand un soldat, depuis ses origines jusqu'à ses implications aujourd'hui. De son impact sur la société à son influence sur la culture populaire, Quand un soldat a laissé une marque indélébile dans l'histoire et dans les esprits.
Quand un soldat est une chanson datée de 1952, écrite par Francis Lemarque, qui signe à la fois les paroles et la musique.
Il semble qu'elle ait été écrite par Francis Lemarque entre la fin 1951 et ce début 1952 où elle a été publiée aux éditions Métropolitaine[1].
En , Francis Lemarque fait écouter à Yves Montand les premières strophes[2]. Celui qu’on surnommera dans certaines sphères le « prolo chantant » à cause de ses convictions politiques de plus en plus affirmées, lui demande dans les instants qui suivent de la « terminer le plus vite possible »[2].
La première mouture achevée par Lemarque ne convainc pas entièrement Montand qui tique sur le dernier vers, jugé trop didactique[2] : « Que les canons se taisent pour toujours[2] ».
Ce vers sera aussitôt abandonné et modifié pour aller vers la forme définitive publiée en partition[2] :
Quand un soldat revient de guerre il a
Simplement eu d'la veine et puis voilà...
La chanson est alors rapidement travaillée en répétitions par Montand et son orchestre pour être jouée 48 heures plus tard sur la scène du Palais de la Mutualité[2]. Mais son texte ne va pas faire l’unanimité, c’est le moins qu’on puisse dire… Le batteur Roger Paraboschi de l’orchestre d’Yves Montand à cette époque se souvient précisément d’un incident survenu à Lyon[2] : « Après le spectacle, les musiciens sont partis discrètement par derrière. Montand m’a demandé de sortir avec lui par la grande porte. Devant le théâtre attendaient des groupes de paras avec leurs bérets rouges. Il n’y avait que deux ou trois flics. Montand est sorti comme un seigneur, il a traversé la foule menaçante. Personne n’a osé broncher[2]. »
Cependant, des réactions de plus en plus violentes s’amplifient au fil des tours de chants : elle suscite des bagarres lorsque Montand la chante sur scène[2]. On perturbe ses tours de chant, on le menace de mort[2]… La sanction tombe : l’enregistrement est alors interdit de diffusion à la radio d'État[3],[4],[5],[2].
Le parolier et compositeur Francis Lemarque, au moment où il écrit ce texte, fait le point sur un parcours de vie jalonnée de faits historiques graves liés à la guerre et des luttes violentes. Ces faits marquants sont décisifs pour l'écriture de ces paroles, comme on peut le constater dans ce qui suit :
Francis Lemarque naît Nathan Korb dans une famille juive arrivée en France quelques années auparavant pour fuir les pogroms d'Europe de l'Est : son père, Joseph, juif polonais est tailleur pour dames et sa mère Rose est d'origine lituanienne. Il quitte cependant l'école dès 11 ans pour travailler à l'usine.
Vers 1934, Nathan et son frère intègrent le groupe Mars, lui-même issu du groupe Octobre, groupes affiliés à la Fédération des théâtres ouvriers de France et troupe de théâtre française d'agitprop. Au sein de ce groupe qui choisit de développer une culture d'avant-garde, les frères Korb créent un duo nommé les Frères Marc, sur les conseils de Louis Aragon. Le duo trouve en 1936, avec le Front populaire, l'occasion de chanter dans les usines et tous les lieux où la lutte ouvrière est en action et fait la connaissance de Jacques Prévert[1].
Avec l'arrivée de la guerre en , la vie devient tout de suite plus difficile surtout pour une famille juive à Paris. Nathan est mobilisé et affecté comme « lieutenant-guitariste » aux activités musico-théâtrales de l'armée. En 1940, il décide de passer en zone libre et de s'installer à Marseille. Là, il rencontre Jacques Canetti, impresario, qui l'aide à continuer en solo sa carrière de chanteur sous le nom de Francis Lemarque. Il effectue quelques tournées en Afrique du Nord dont une semaine de récitals avec le guitariste gitan Django Reinhardt avant de revenir en métropole. S'ensuit la déportation de sa mère qui meurt à Auschwitz, il décide d'abord d'entrer dans la Résistance sous le nom d'emprunt de « Mathieu Horbet » : ce qui lui vaut d'être arrêté et emprisonné quelques mois[1]. Il s'engage ensuite dans le douzième régiment de dragons[6] renaissant de ses cendres et devient le Lieutenant Marc au sein d'un réseau de résistants.
Après la guerre, Francis Lemarque reprend ses tours de chant et chante dans des cabarets de Saint-Germain-des-Prés. L'année 1946 est décisive, deux événements marquent sa vie : il rencontre Ginny Richès qui devient son épouse, et Yves Montand sur une scène parisienne pour qui il se met à écrire en pensant à lui.
Quand il décide d'écrire ce titre en 1952, c'est donc en connaissance de cause, avec un passé complexe, chargé de références, articulé autour de la guerre, de faits d'armes et d'engagements. En parolier, poète et intellectuel, celui, qui a rencontré après le Front populaire, Jacques Prévert, prend donc position et choisit avec soin ses mots pour dire ce qu'il a sur le cœur, et ce qu'il pense de ces nouvelles guerres de colonies.
Partageant un certain nombre d'idées et de valeurs depuis plusieurs années, c'est tout naturellement qu'Yves Montand accepte de mettre en scène la chanson Quand un soldat dès , pour soutenir son parolier et son ami.
Elle sera enregistré courant 1952 par Yves Montand accompagné de Bob Castella & ses rythmes. Mais il faudra attendre 1954, pour qu’elle figure sur le premier EP 45 tours médium de Francis Lemarque intitulée N°1. le petit cordonnier : la chanson y figure discrètement en fin de face « B » en guise de dernier titre.
La guerre d’Indochine se déroule de 1946 à 1954 en Indochine française et oppose les forces du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) – soutenues à partir de 1949 (victoire communiste en Chine) et surtout 1950 (guerre de Corée) par les États-Unis –, de l'Armée nationale vietnamienne (créée en 1949), du Laos (indépendant à partir de 1949) et du Cambodge (indépendant à partir de 1953) aux forces du Viêt Minh nationaliste et communiste, soutenu par la Chine (à partir de 1949) et l'Union soviétique. Elle se conclut par la victoire du Viêt Minh, sous la conduite d'Hồ Chí Minh.
En 1952, l’Armée populaire vietnamienne lançait des attaques contre les fortins de la « ligne de Lattre » derrière laquelle s'étaient retranchées les troupes françaises. Tout en continuant les coups de main et les embuscades, l’armée populaire s'est retirée pour se préparer à des opérations sur une plus grande échelle. Le général Dwight Eisenhower devint président des États-Unis en 1953 ; il fut le premier à avancer la « théorie des dominos », et continua à soutenir la défense de l'Indochine contre le communisme.
De son côté, la menace sur les centres importants étant écartée, le général Salan entreprit de prendre l'initiative. Il lança une série d'offensives, et ne connut guère de défaites tactiques, mais le CEFEO devait systématiquement se replier faute de moyens et d'avoir pu porter un coup décisif. Le général Navarre rapportait au gouvernement français qu’il n’y avait pas de possibilité d’une victoire militaire étant donné la faiblesse des moyens du CEFEO, mais promit une grande offensive avec l’opération Castor, lancée en : il s'agissait d'occuper l’ancienne piste d’aviation japonaise de Diên Biên Phu pour verrouiller le passage au Laos de l’Armée populaire vietnamienne, afin de permettre à la France de négocier à Genève la fin de la guerre en position de force. Ce fut le prélude à la bataille de Dien Bien Phu, perdue au bout de 57 jours au printemps 1954.
Le manque d'enthousiasme pour cette guerre était évident. L'opinion publique acceptait mal son coût en argent et en hommes pour une terre aussi lointaine au moment où le rationnement était encore de rigueur (du moins avant 1949) en métropole.
Il s'ensuit des actions très diverses avec notamment :
La chanson, contrairement à La Chanson de Craonne, est moins irrévérencieuse, notamment envers les notables et la bourgeoisie en place. En revanche, elle tente de porter atteinte sournoisement au pouvoir en place en 1953 et clame clairement son rejet de la politique mobilisatrice d'effort de guerre prônée par le gouvernement en place pour défendre les colonies françaises.
Le choix des mots du texte, dans ses vers, traduit le ton désabusé de la libre pensée populaire de l'époque : une guerre inutile et perdue d'avance.
Les paroles résument bien le ressenti général de la population française, qui après 1945, croyait en avoir terminé avec la guerre. L'image du fier guerrier qui peut espérer finir décoré et monter en grade pour faits d'armes, souvent à titre posthume, y est battue en brèche et taillée en croupières.
La dernière strophe sous-entend que la guerre rend triste, qu'elle ne vaut pas l'amour de ses proches, les chansons et les fleurs.
La chanson conclut sur l'amer constat que celui qui revient, a « simplement eu d'la veine ». C'est un désaveu des politiques militaires, des stratégies de commandement et d'engagement des forces armées françaises, de leur commandement, de leur ministère et du choix du président de la République. Le soldat engagé au combat n'a ici qu'à s'en remettre à sa bonne étoile et ce ne sont pas des décisions militaires qui changeront quelque chose.
L'expression « simplement eu d'la veine » est importante, elle est issue du langage populaire ; Francis Lemarque, en l'insérant dans ses paroles, l'oppose de fait au devoir national qui est de « verser son sang pour la patrie». La veine symboliserait aussi le retour du sang au cœur.
Les paroles sont par conséquent jugées défaitistes et anti-militaristes.
Par dérision, certains soldats du Corps Expéditionnaire Français en Indochine, en particulier les jeunes officiers parachutistes pendant leurs "virées" à Hanoï détourneront la chanson en réécrivant ses paroles. Cela donnera :
Standard de la chanson « engagée », chanson antimilitariste, Quand un soldat est contemporaine du Soudard de Jean-Claude Darnal et annonce Le Déserteur de Boris Vian[2].
La censure intervient en 1953 à un moment où l'armée française très engagée sur la guerre d'Indochine est dans une mauvaise passe face à la guérilla livrée par les populations locales contre les forces françaises, qui connaissent des problèmes en hommes et en moyens. Ces faits seront suivis de la défaite de la France en 1954.
Deux titres sont particulièrement visés à cette époque : Quand un soldat et Le Déserteur de Boris Vian sorti en 1954.
Cependant, le , Henri Martin pourtant condamné à 5 ans d'emprisonnement le , « pour propagande hostile à la guerre d'Indochine » sera libéré sous la pression des militants et des intellectuels de gauche.
En 1981, Francis Lemarque reçoit le grand prix de la Chanson française de l'Académie Charles-Cros, qui lui est remis par le ministre de la Culture de l'époque Jack Lang.
En , Francis Lemarque est nommé chevalier de la Légion d'honneur : il est décoré le jour de son 75e anniversaire le au Balajo, rue de Lappe, par le ministre de la Culture Jack Lang.
Ces distinctions remises lors de changements de majorité présidentielle, mettent en lumière les différences de point de vue politique que la gauche de l'époque, socialistes et communistes, partageait face au pouvoir en place en 1953. On peut y voir ici une façon de réaffirmer son opposition aux censures de l'époque et de réparer ce que certains considéraient comme injuste.
La version enregistrée par Francis Lemarque réapparaitra ensuite tardivement sur une compilation en 1977.