Jean Malaurie

Jean MalaurieJean Malaurie en 1996.Fonction
Ambassadeur de bonne volonté de l'UNESCO
2007 - 5 février 2024
Biographie
Naissance 22 décembre 1922
Mayence (république de Weimar)
Décès 5 février 2024 (à 101 ans)
Dieppe (France)
Nationalité française
Formation Faculté des lettres de Paris (doctorat) (jusqu'en 1962)
Lycée Hoche
Lycée Henri-IV de Paris
Lycée Condorcet de Paris
Activités Physicien, géographe, ethnohistorien, anthropologue, explorateur
Père Albert Malaurie (d)
Fratrie Yves Malaurie (d)
Philippe Malaurie
Autres informations
A travaillé pour Centre national de la recherche scientifique (1979-1992)
Plon (1954-2015)
École des hautes études en sciences sociales
Membre de Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen
Distinctions
Œuvres principales

Jean Malaurie, né le 22 décembre 1922 à Mayence (Allemagne) et mort le 5 février 2024 à Dieppe, est un ethno-historien, géographe spécialisé en géomorphologie et écrivain français. Il est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, et également le directeur et fondateur de la collection littéraire Terre Humaine, qu’il inaugure avec son récit Les Derniers Rois de Thulé, aux éditions Plon.

Biographie

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Jean Malaurie naît à Mayence le 22 décembre 1922 dans une famille catholique française universitaire (histoire), d’ascendance normande (ses grands parents maternels étaient de familles d'armateurs fécampois) et écossaise. Son enfance est marquée par l’imaginaire et le légendaire des châteaux du Rhin. Préparant en 1943 le concours de l’École normale supérieure de la rue d'Ulm, au lycée Henri-IV (Paris), il est mobilisé en juin 1943 pour le Service du travail obligatoire (STO) ; il raconte qu'il refuse de l'intégrer et qu'il entre dans la clandestinité jusqu’au mois d'août 1944, période durant laquelle il serait recherché par la police du régime de Vichy.

Il fait ses études supérieures à l’Institut de géographie de l’université de Paris, et a pour maître Emmanuel de Martonne. En 1948, celui-ci le nomme géographe-physicien des Expéditions polaires françaises, dirigées par Paul-Émile Victor, sur la côte ouest et l’inlandsis du Groenland. Il accomplit deux missions (printemps-automne 1948 et printemps-automne 1949) dans ce cadre (île de Disko sud, Skansen).

Après deux missions géomorphologiques et géocryologiques pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), en solitaire durant les hivers 1949 et 1950 dans le désert du Hoggar (Algérie, Sahara), il part en mission à Thulé au Groenland en juillet 1950. Il dirige seul, pour le CNRS, la « première mission géographique et ethnographique française dans le nord du Groenland ». Il établit, sur quatre générations, la première généalogie d'un groupe de 302 Inuits, peuple le plus septentrional de la Terre, et met à jour une planification tendancielle afin d'éviter les risques de consanguinité (interdiction des unions jusqu’au cinquième degré).

Géomorphologue dans le Grand Nord du Groenland, il a levé la carte (topographie, géomorphologie des éboulis et de la nivation, glaces de mer) au 1:100 000e sur trois cents kilomètres de côte et sur trois kilomètres d’hinterland, de la Terre d’Inglefield et au nord du glacier Humboldt, au sud de la Terre de Washington (cap Jackson, 80° N). Il a découvert des fjords et des littoraux jusqu'alors inconnus, auxquels il a été autorisé à donner des noms français, comme le fjord de Paris, ou de ses compagnons inuits, tel celui du célèbre chaman Uutaaq. Il a réalisé des études géomorphologiques détaillées des éboulis et des écosystèmes géocryologiques en haute latitude, dont il précise les logiques de strates et de cycles ; ce sera l’objet de sa thèse : Thèmes de recherche géomorphologique dans le nord-ouest du Groenland, publiée au CNRS à Paris en 1968. Il est fait docteur d’État de géographie de la faculté des lettres de l'université de Paris (Institut de géographie) le 9 avril 1962.

L’Inuit Kutsikitsoq et lui sont les deux premiers hommes au monde à avoir atteint, le 29 mai 1951, le pôle nord géomagnétique, 78° 29′ N, 68° 54′ O, avec deux traîneaux à chiens. Le 16 juin 1951, il découvre à Thulé une base militaire américaine construite secrètement pour accueillir des bombardiers nucléaires et décide de prendre publiquement position contre l’implantation de cette base, au sujet de laquelle la population locale n’a pas été consultée.

Il publie ainsi, en 1955, Les Derniers rois de Thulé, livre fondateur de la collection Terre Humaine, aux éditions Plon, ouvrage qui sera suivi par des classiques, tels Tristes Tropiques de Claude Lévi-Strauss, Les Immémoriaux de Victor Segalen, Ishi. Testament du dernier Indien sauvage de l'Amérique du Nord de Theodora Kroeber, ou encore Affables sauvages de Francis Huxley (en), Soleil hopi de Don C. Talayesva, Pour l’Afrique, j’accuse de René Dumont et Carnets d’enquêtes d’Émile Zola. Terre Humaine a pour vocation de décentrer la vision des Occidentaux sur les autres peuples.

Élu en 1957 à la première chaire de géographie polaire de l’histoire de l’Université française, créée pour l’occasion à l’École pratique des hautes études (EPHE), il fonde en 1958 le Centre d’études arctiques et lance, en 1960, Inter-Nord, la grande revue arctique du CNRS.

En 1968-1969, il dirige la section française de la Commission gouvernementale franco-québécoise, au moment de la création du territoire autonome du Nouveau-Québec, appelé plus tard Nunavik. Les recommandations, publiées dans l’ouvrage Du Nouveau-Québec au Nunavik, 1964-2004, une fragile autonomie et dans le cahier spécial « Nunavik/Ungava » de la revue Inter-Nord no 20, visaient à assurer l’autonomie immédiate de ce territoire et à insuffler une réforme pédagogique profonde de l’enseignement. Elles ont contribué à l’élaboration du statut des territoires arctiques canadiens, inspiré principalement par Charlie Watt, sénateur inuit à Ottawa.

Jean Malaurie à côté du bateau hydrographique soviétique, au large d'Ouélen, durant son expédition en Tchoukotka, août 1990.

En 1990, Malaurie dirige la première expédition soviéto-française en Tchoukotka sibérienne, à la suite de la requête du gouvernement soviétique et de l’académicien Dimitri Likhatchev, conseiller scientifique de Mikhaïl Gorbatchev. Il étudie en août 1990 l'Allée des baleines, monument du nord-est sibérien d'esprit chamanique, ignoré jusqu'à son identification, en 1977, par l’archéologue soviétique Sergueï Arutiunov.

En 1992, il fonde l’Académie polaire d’État à Saint-Pétersbourg, école des cadres sibériens d’environ mille élèves internes, cinq facultés, quarante-cinq ethnies ; la langue française y est la première langue étrangère, obligatoire. Il en est le président d’honneur.

Au cours de trente et une missions, du Groenland à la Sibérie, il a enseigné une méthode — l’anthropogéographie de la pierre à l’homme — rappelant que les peuples arctiques ne peuvent être compris dans leur histoire, leurs rituels, leur sociologie, que dans le cadre d’une réflexion sur les relations dialectiques avec l'environnement physique, la faune et la flore. Ces observations sont liées au concept de Gaïa, selon les conclusions de J. E. Lovelock, partagées par Jean Malaurie : la Terre serait « un système physiologique dynamique qui inclut la biosphère et maintient notre planète depuis plus de trois milliards d'années, en harmonie avec la vie ».

Jean Malaurie est un défenseur des droits des minorités arctiques, menacées par la mise en valeur industrielle et pétrolière du Grand Nord. La mondialisation, suivie de l'unification des cultures, est à ses yeux un malheur : « Je ne cesserai de plaider contre la mondialisation. Le pluralisme culturel est la condition du progrès de l'humanité. » En 2007, il a été nommé Ambassadeur de bonne volonté pour les régions arctiques (domaines des sciences et de la culture) à l’UNESCO où il a été invité à présider le premier congrès international pour l’Arctique de l’UNESCO : Climate Change and Arctic Sustainable Development : Scientific, Social, Cultural and Educational Challenges qui s’est tenu à Monaco, du 3 au 6 mars 2009. À son initiative et en collaboration avec l’UNESCO, un congrès international axé sur les peuples circumpolaires a eu lieu en partie au Groenland en 2011.

À partir de 2007, il est le président d'honneur de l'Uummannaq Polar Institute, institution ayant pour vocation la conservation de la culture groenlandaise locale et la promotion de programmes éducatifs pour les jeunes Inuits. En 2010, il fonde, également à Uummannaq (Groenland), le Pôle Inuit – Institut Jean Malaurie.

Écrivain, il a notamment publié Les Derniers Rois de Thulé (1955), traduit en vingt-trois langues, l’ouvrage le plus diffusé sur le peuple inuit. Ce livre a fait l’objet d’un film et d'une bande dessinée. Outre une dizaine de livres, il a publié plus de cinq cents articles scientifiques qui ont été rassemblés avec des inédits en six volumes à paraître aux Éditions du CNRS ainsi qu'aux Éditions Armand Colin.

Il finit sa vie à Dieppe, en Normandie. En 2021, il publie ses mémoires, De la pierre à l'âme.

Jean Malaurie meurt le 5 février 2024 à Dieppe, à l'âge de 101 ans. Ses cendres ont été placées sous un cairn de l'île de Thulé, au Groenland.

Controverses

Plusieurs spécialistes des Inuits ont relevé des points dans les propos de Jean Malaurie qui peuvent être considérés comme des manquements à l'éthique de la recherche.

Le 5 mai 1981, en réponse à la présentation par le journal Le Monde Dimanche de la série télévisée de Jean Malaurie sur les Esquimaux (dans les numéros des 1er et 22 mars), une tribune a été publiée dans le journal Le Monde par Jean-François Le Mouel, chargé de recherches au CNRS et de la section des peuples arctiques au Musée de l'homme, Patrick Plumet, directeur du laboratoire d'archéologie à l'université du Québec à Montréal, Bernard Saladin d'Anglure, professeur au département d'anthropologie (université Laval, Québec), et Mme Joëlle Robert-Lamblin, chargée de recherches au CNRS : "L'effet Malaurie" ou les grandes illusions. Les "illusions" entretenues auprès du public, "lourdes de conséquences pour la portée et la vérité de son message", seraient les suivantes : illusion qu'il parle couramment la langue groenlandaise ; illusion qu'il est le seul auteur des films, alors qu'une part non négligeable est empruntée à des films professionnels dont les auteurs ne sont pour la plupart pas mentionnés ; illusion que J. Malaurie connaît personnellement toutes les régions dont il parle ; illusion qu'il est un ethnologue, un spécialiste des Inuit depuis trente ans ; illusion du label d'expertise et de vérité scientifique qui lui est reconnu.

La même année, un article dans Études/Inuit/Studies développe la critique sous le titre "Jean Malaurie le « faiseur » d'images ou les Inuit entre la science et la commercialisation".

Titres et distinctions

Titres

Distinctions scientifiques

Décorations

Autres distinctions

Jean Malaurie reçoit la médaille d’honneur de la ville de Strasbourg.

Hommages

À Uummannaq, sur la côte nord-ouest du Groenland, un musée Jean Malaurie a été créé dans une maison de tourbe reconstituant sa base d'hivernage, à Siorapaluk, en 1950-1951. Longueville-sur-Scie, village cauchois proche de Dieppe, le collège Jean Rostand a été renommé Jean Malaurie en 2010.

Œuvre

Livres

Filmographie

Archives sonores

Notes et références

  1. Fabrice Drouzy, « Jean Malaurie: grand frère des ours » sur Libération, 26 novembre 2015
  2. Relevé des fichiers de l'Insee
  3. Biographie sur son site personnel
  4. Florence Calame-Levert, Jean Recher, éditions des Falaises, coll. « Portrait », 2005, 95 p. (ISBN 978-2-84811-032-5, lire en ligne), préface par Jean Malaurie "Adieu au capitaine Jean Recher"
  5. Malaurie : «Je n'abandonnerai pas les Inuits», entretien conduit par Isabelle Nataf, publié le 9 juin 2010 sur le site du Figaro.
  6. dirigé par Jacques Rousseau et Jean Malaurie, Collection Polaires, Economica, Paris, 2004.
  7. Juin 2003, Paris, Éditions du CNRS.
  8. James Lovelock, La revanche de Gaïa, J'ai Lu, coll. « J'ai Lu Essai, n° 8579 », 2008, (2e éd.) p. 30.
  9. Jean Malaurie, une passion arctique, documentaire de Michel Viotte, Arte, 2009
  10. Françoise Dargent, « Décès de l'ethnologue Jean Malaurie, spécialiste du Grand Nord », sur Le Figaro, 5 février 2024 (consulté le 5 février 2024).
  11. Cimetières de France et d'ailleurs
  12. Bernard Saladin d'Anglure, « Jean Malaurie le « faiseur » d'images ou les Inuit entre la science et la commercialisation », Études/Inuit/Studies, vol. 5, no 2,‎ 1981, p. 169–184 (ISSN 0701-1008, lire en ligne, consulté le 23 mars 2024)
  13. Transpol'Air : Festival du Film arctique
  14. Transpol'Air : La revue Inter-Nord
  15. « Décret du 13 juillet 2015 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier », sur legifrance.fr, 13 juillet 2015 (consulté le 14 juillet 2015)
  16. Décret du 31 décembre 2020.
  17. Jean-Yves Paumier, Jean Malaurie, une légende vernienne, Revue Jules Verne 17, Jules Verne et les pôles, 2004, p.75-78. Voir dans cette même revue l'article de Jean Malaurie, A la découverte de la Terre avec Jules Verne, p.79-83.
  18. HEC, « MALAURIE Jean » (consulté le 20 septembre 2015)
  19. Cathia Engelbach, « Malaurie, l'appel de Thulé : Malaurie, le sommet et le gouffre du monde », dBD, no 139,‎ décembre 2019 - janvier 2020, p. 116.

Annexes

Bibliographie

Livres Documentaires

Articles connexes

Liens externes