Marcel Schwob

Marcel SchwobDessin de Theodore Spicer-Simson (1905).Biographie
Naissance 23 août 1867
Chaville
Décès 26 février 1905 (à 37 ans)
4e arrondissement de Paris
Sépulture Cimetière du Montparnasse
Pseudonyme Loyson-Bridet
Nationalité française
Formation Lycée Louis-le-Grand
Lycée Georges-Clemenceau
Activité ÉcrivainPoèteTraducteur
Famille Famille Schwob
Père George Schwob
Mère Mathilde Cahun
Fratrie Maurice Schwob
Conjoint Marguerite Moreno
Autres informations
Mouvement Symbolisme
Œuvres principales

Marcel Schwob, né à Chaville le 23 août 1867 et mort à Paris le 26 février 1905, est un écrivain français — conteur, poète, traducteur, érudit — proche des symbolistes.

Biographie

Marcel Schwob naît dans une famille de lettrés : son père, George Schwob, est journaliste, ami de Théodore de Banville et de Théophile Gautier, et sa mère, Mathilde Cahun, appartient à une famille d'intellectuels juifs originaires d'Alsace.

Au moment de la naissance de Marcel, la famille Schwob revient d'Égypte où George était chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères. Au début de la IIIe République, les Schwob sont à Tours, où George dirige Le Républicain d'Indre-et-Loire. En 1876, il prend à Nantes la direction du quotidien républicain Le Phare de la Loire ; à sa mort en 1892, c'est son fils aîné Maurice, né en 1859, qui lui succédera.

Le premier article de Marcel Schwob est publié dans Le Phare en décembre 1878, un compte-rendu de lecture d'Un capitaine de quinze ans, de Jules Verne. En 1878-1879, il est élève de sixième au lycée de Nantes et obtient le premier prix d'excellence. Il passe directement en quatrième où il n'a plus que le 6e accessit d'excellence (2e prix de version grecque) ; en troisième, il est 2e prix d'excellence (1er prix de composition française et d'anglais). En 1881, il est envoyé à Paris chez son oncle maternel Léon Cahun, bibliothécaire adjoint de la Bibliothèque Mazarine, afin de poursuivre ses études au lycée Louis-le-Grand, où il se liera d'amitié avec Léon Daudet et Paul Claudel. Il développe un don pour les langues et devient rapidement polyglotte. En 1884, il découvre Robert Louis Stevenson, qui sera un de ses modèles.

Il échoue au concours d'entrée de l'École normale supérieure, mais est reçu premier à la licence ès lettres en 1888. Il échoue de nouveau à l'agrégation en 1889. Il choisit alors une carrière d'homme de lettres et de journaliste, collaborant au Phare de la Loire, à l’Événement, à l’Écho de Paris. Schwob dirige le supplément littéraire de ce journal, où il introduit Alfred Jarry en 1894 (ce dernier lui dédiera sa pièce Ubu roi, en 1895). Il fréquente Paul Valéry, André Gide, Jules Renard et Colette mais aussi Oscar Wilde.

Il se passionne également pour la linguistique et notamment l'argot, pour le langage des coquillards utilisé par Villon dans ses ballades en jargon : contrairement à l'opinion répandue à l'époque (et qui avait été celle qu'avait développée Victor Hugo dans les Misérables), Schwob considère que l'argot n'est pas une langue qui se crée spontanément, mais qu'il est en réalité un langage artificiel et codé. Schwob suit les cours de Ferdinand de Saussure à l'École des Hautes Études.

Il commence à publier des séries de contes, à la limite du poème en prose, où il crée des procédés littéraires qui seront repris par d'autres ultérieurement. Ainsi Le Livre de Monelle, en 1894, annonce Les Nourritures terrestres d'André Gide (Marcel Schwob lui en voudra pour cela) ; La Croisade des enfants, l'année suivante, annonce William Faulkner dans As I Lay Dying ; Borges aussi lui avouera une grande dette. Plusieurs de ses recueils sont rapidement traduits en anglais, comme Mimes et La Croisade des enfants.

En 1900, il épouse l'actrice Marguerite Moreno, l'amie de Colette, qu'il a rencontrée en 1895 et qui avait pour lui une affection particulière. Leur franche camaraderie était un mélange d'humour et de rosserie. Elle notera dans Mes apprentissages : « Le plus menaçant visage qui pût couvrir, comme un masque de guerre et d'apparat, les traits mêmes de l'amitié ». La correspondance des deux amants, puis époux, témoigne d'une véritable passion.

La santé de Marcel Schwob est des plus mauvaises. Il tente de fuir son destin en voyageant, à Jersey et, d'octobre 1901 à mars 1902, à Samoa, là même où Stevenson avait fini sa vie. Marcel Schwob a cependant le temps de revenir en France, terminant sa vie en reclus et laissant une œuvre inachevée.

Tombe au cimetière du Montparnasse.

Il meurt d'une grippe le 26 février 1905, à l'âge de trente-sept ans. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse (division 5, carré juif), dans le tombeau familial de son oncle Léon Cahun.

Œuvre

Contes

Le conte est la forme privilégiée de Marcel Schwob. À l'époque, ses frontières sont mal définies, mais dans un contexte anti-naturaliste, son imaginaire permet la construction d’un rapport particulier au réel. La mise en recueil donne sens et unité à des formes menacées par la fragmentation. Cependant, le genre du conte est subverti dans sa pratique même et le pastiche se transforme subtilement en parodie par l’ambiguïté de la morale .

Conçus initialement pour la presse, donc déterminés par certains de ses impératifs, ces textes ont un statut initialement hybride, à la croisée du réel et de l’imaginaire, métissage de la chronique et de la fiction.

Romans

Marcel Schwob n'a jamais écrit de roman. Il arrête brutalement la fiction en 1896. Pour Bernard de Meyer, les raisons médicales ne sont pas en cause. Selon lui, Cœur double et Le Roi au masque d’or, qui se caractérisent par la diversité de leurs sources et des techniques narratives employées, amènent à une impasse de l'inspiration. Mimes et Le Livre de Monelle, structurés d’une manière fortement significative autour d’un élément vécu intime, reflètent un nombrilisme, tant artistique qu’émotionnel, qui n’apporte que désillusion et aboutit à la panne sèche. L’écriture de Vies imaginaires, livre rempli de masques qui fonctionne comme un masque est « rongée par l’impuissance » comme par une lèpre.

Essais

Spicilège, paraît en 1896 et regroupe des préfaces et des textes déjà parus, sur Villon, Stevenson, Georges Meredith, Saint Julien l'Hospitalier, le rire ou l'anarchie. La presse ne fut pas enthousiaste, même si Paul Léautaud loue « la plus belle peut-être des originalités, celle de l'intelligence ».

En parallèle de ces textes purement littéraires, Schwob publie des études linguistiques sur Villon et sur l'argot, ses autres centres d’intérêt.

Traductions

Marcel Schwob a traduit principalement des textes anglais, ceux des auteurs qu'il admirait : Hamlet, de Shakespeare (en collaboration avec Eugène Morand), puis Macbeth, Moll Flanders, de Defoe, Francesca di Rimini de Crawford et Les Derniers jours d'Emmanuel Kant, de De Quincey. Il a également traduit de l'allemand Les Jeux des Grecs et des Romains de Wilhelm Richter.

Ses traductions recherchent en priorité la fidélité à la langue du texte original et au style de l’auteur traduit. Son intention est de reproduire fidèlement un style déterminé pour que le lecteur puisse l'apprécier dans sa propre langue. Il compense les pertes qui se produisent lors du passage d’une langue à une autre par la beauté de ses versions. Elles sont, en même temps, l’œuvre d’un écrivain et d’un érudit. Comme dans la littérature, il suit dans la traduction ses propres goûts et sa propre esthétique.

Conceptions littéraires

En réaction au naturalisme, par des procédés littéraires impressionnistes, relativistes et subjectivistes, par la juxtaposition des points de vue et polyphonie narrative, Marcel Schwob tente de rebâtir sur les ruines du roman réaliste une éthique et une esthétique qui trouvent leurs ressources dans la contemplation de l’altérité historique et culturelle.

Pour Pierre Jourde, « Le principe qui gouverne la création chez Schwob, et qui trouvera sa formulation exacte dans Le Livre de Monelle, pourrait s’énoncer : on n’atteint le réel qu’en se délivrant de toute fixation, sur soi ou sur l’objet. Le monde n’est pas, il est en souffrance. L’art consiste à aider à sa délivrance ».

Relations avec les contemporains

Milieu littéraire

Léon Daudet et Paul Claudel ont été les condisciples de Schwob au lycée Louis-le-Grand. Plus tard, il fréquente le Grenier d'Edmond de Goncourt et se rend aux Mardis de Mallarmé. Par ses fonctions à L’Écho de Paris (dont il devient le directeur littéraire en 1895, conjointement avec Catulle Mendès) et au Journal, il est en relation avec Maupassant, Anatole France, Paul Bourget et Maurice Barrès. Il fait publier Le Train de 8h47  de CourtelineEdgar Poe, Mark Twain, Verlaine, Jean Lorrain, Rémy de Gourmont, Léon Cahun.

Ses recherches sur l’argot l’amènent à fréquenter Gaston Paris et Auguste Longnon. Il dîne chez Michel Bréal et fréquente les cours du linguiste Ferdinand de Saussure et du philosophe Émile Boutroux. Dans les cabarets, il fréquente Rodolphe Sallis, Jean Richepin, ainsi que Verlaine, qui le fascine.

Une même inclination pour l’impressionnisme, les sculptures de Rodin et Camille Claudel, le théâtre d’Ibsen et de Maeterlinck le rapproche d'Octave Mirbeau. Si à la toute fin de sa vie il a des rencontres fréquentes avec Paul Léautaud, il se fâche avec Léon Daudet et Paul Valéry au moment de l'Affaire Dreyfus,.

Dreyfusard de la deuxième heure, Marcel Schwob abandonna à Zola la primeur d’une position qui devait le consacrer comme le modèle même de l’intellectuel. Marcel Schwob fut son adversaire farouche notamment sur le plan littéraire. Et la personnalité concurrente de l’écrivain des Rougon-Macquart ne fut vraisemblablement pas étrangère à la défiance initiale du promoteur du « roman impressionniste » vis-à-vis des dreyfusards.

Robert Louis Stevenson

Stevenson est l’auteur vivant que Schwob a le plus apprécié et cherché à faire connaître. La lecture de L’île au trésor est pour lui une révélation. À l’époque, l’œuvre de Stevenson, peu traduite, est quasiment ignorée en France. Schwob est le premier homme de lettres français à manifester son admiration pour l’écrivain exilé à Samoa, dans le Pacifique. Quelques échanges épistolaires témoignent d’une fraternité fondée notamment sur la passion de Villon et le goût de l’aventure. Une rencontre ne put se produire — Stevenson meurt en 1894 —. Au terme du long voyage qui le mena aux îles Samoa, Schwob, malade, ne put même pas se recueillir sur sa tombe.

Schwob consacre quatre articles à Stevenson. Pour lui, c’est l’anti-Zola, c'est celui qui crée un « réalisme irréel », fondé sur un mélange de fantaisie et d’observation exacte, loin des grosses ficelles utilisées par Zola, dont Schwob rejette les prétentions scientifiques.

« La puissance de Stevenson résulte du contraste entre l'ordinaire des moyens et l'extraordinaire de la chose signifiée ; le réalisme des moyens a une vivacité spéciale ; cette vivacité naît de l'irréalité de son réalisme. »

Alfred Jarry

Les relations amicales entre Schwob et Alfred Jarry, tous deux admirateurs de Rabelais et de Shakespeare, débutent en 1893, lorsque Schwob fait primer plusieurs textes de Jarry au concours du supplément littéraire de l'Écho de Paris dont il était le directeur. Schwob est évoqué dans les Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien : dans le chapitre IV, Des Livres pairs du docteur, La Croisade des enfants est le numéro 23 ; dans le chapitre VII, Du petit nombre des élus figure le vers ; « De Schwob, les bêtes écailleuses que minait la blancheur des mains du lépreux. » ; le chapitre XXI, De l’Île Cyril est dédié à Schwob, dont l’œuvre y est cryptée. En 1895, Jarry lui dédie également Ubu roi.

« Ce qui les unit, c’est une même interrogation sur le statut du lecteur et les mécanismes de l’interprétation ; c’est un même parcours spirituel centré sur la notion de synthèse, dans une volonté de sortir de l’esthétique post-symboliste. En outre, leur littérature, fragmentaire, dans l’incapacité d’atteindre par elle-même la synthèse, l’abandonne au lecteur. »

Pour eux deux, dans une connivence latente et profonde, les images sont toujours fausses. C'est à partir de cette constatation que Jarry crée dans Faustroll un monde régi exclusivement par l'imagination. Et là où, pour Schwob, « l'art est à l'opposé des idées générales, ne décrit que l'individuel, ne désire que l'unique », Jarry définit la 'pataphysique comme « la science du particulier ».

Jules Renard

Les relations avec Jules Renard — dont Schwob fait publier L'Écornifleur dans L'Écho de Paris — sont complexes. Après la grande amitié née lors de leur rencontre, Renard prend ses distances à partir de 1895, et devient de plus en plus critique.

Réception

Même s'il bénéficie d'une aura considérable dans le Paris littéraire du tournant du siècle, Schwob devient ensuite un laissé pour compte de l’histoire littéraire. Il a longtemps été considéré comme un auteur qui incarnerait la fin d'une lignée, celle des grands conteurs du XIXe siècle. Cette image « d'écrivain érudit, de virtuose de l'écriture palimpseste, d'homme de la seconde main qui n'aurait pas réussi à marquer de son empreinte le genre qu'il affectionnait », a longtemps bloqué sa véritable reconnaissance, jusqu'à la redécouverte dans les années 1970 de son œuvre. Le centenaire de sa mort est l'occasion de nombreuses publications.

Œuvres

Portrait de Marcel Schwob
par Félix Vallotton
paru dans Le IIe Livre des masques
de Remy de Gourmont (1898).

Contes et récits

Essais et études

Théâtre

Correspondance et divers

Traductions

Préfaces

Œuvres complètes

Bibliographie

Bibliographies

Biographies

Monographies

Ouvrages collectifs

Articles

Notes et références

  1. Biographie de Marcel Schwob sur le site de la Société Marcel Schwob.
  2. Chérif Pacha, petit-fils de Méhémet Ali.
  3. Jean Guiffan, Joël Barreau et Jean-Louis Liters (dir.), Le Lycée Clemenceau. 200 ans d'histoire, Nantes, éditions Coiffard, 2008, 451 (fiche biographique) (ISBN 9782910366858), création de l'annexe, pages 127-130.
  4. Guiffan, Barreau et Liters 2008, p. 473-474.
  5. Décimo, Marc Décimo, Sciences et pataphysique, t. II : Comment la linguistique vint à Paris. De Michel Bréal à Ferdinand de Saussure., Dijon, Les presses du réel, collection Hétéroclites,, 2014,, § Marcel Schwob, p. 344-354. (ISBN 978-2-84066-599-1)
  6. Le Voyage à Samoa réunit ses lettres à Marguerite Moreno.
  7. Pierre Champion, Marcel Schwob et son temps, Paris, Grasset, 1927, p. 239
  8. Œuvres complètes, Phoebus/Libretto, 2002, p. 41
  9. Bertrand 2008.
  10. Gefen 2007.
  11. La Vie littéraire, 4e série, 1982, cité par Fabre 2006
  12. Kalantzis 2007
  13. Gefen 2006
  14. Œuvres complètes, Phoebus/Libretto, 2002, p. 236
  15. Fabre 2006.
  16. Œuvres complètes, Phoebus Libretto, 2002, p. 348.
  17. Kalantzis 2007.
  18. Regnier 2006.
  19. De Meyer 2006.
  20. Gefen 2006.
  21. Lecacheur, Arrufat, 2006.
  22. Lettre citée dans Œuvres complètes, Phoebus/Libretto, 2002, p. 508.
  23. Boch 2017.
  24. Marcel Schwob, conteur de l’imaginaire, Berne, Peter Lang, 2004
  25. Lhermitte 2005.
  26. « spicilège », dans Wiktionnaire, 13 mars 2022 (lire en ligne)
  27. Œuvres complètes, Phoebus/Libretto, 2002, p. 676
  28. Védrine 2007.
  29. Guerrero 2007.
  30. De Guido 2005.
  31. L'Amour du singulier, cité par Gefen 2006
  32. Jarrety 2006.
  33. Allain 2006.
  34. Spicilège, Œuvres complètes, Phoebus Libretto, 2002, p. 723-731.
  35. Eruli 1983.
  36. Schuh 2006.
  37. Cyril Tourneur, personnage des Vies imaginaires
  38. Détails dans Eruli 1983 et dans Lhermitte 2006
  39. Lhermitte 2006.
  40. Jules Renard, Journal, Laffont, Bouquins, 1990, p. 62
  41. Jules Renard, Journal, Laffont, Bouquins, 1990, p. 67
  42. Jules Renard, Journal, Laffont, Bouquins, 1990, p. 549
  43. Jules Renard, Journal, Laffont, Bouquins, 1990, p. 597
  44. Berg 2007.
  45. Remy de Gourmont, « Marcel Schwob »
  46. Cœur double sur Wikisource.
  47. Le Roi au masque d'or sur marcel-scworb.org.
  48. Le Livre de Monelle sur scribd.com.
  49. La Croisade des enfants sur Wikisource.
  50. Vies imaginaires sur gutenberg.org.
  51. Spicilège sur Gallica.
  52. Il Libro della mia Memoria sur bmlisieux.com.
  53. Jane Shore sur marcel-schwob.org.
  54. Heurs et Malheurs de la fameuse Moll Flanders sur Gallica.

Article connexe

Liens externes

Notices d'autorité